N°13 / Miscellanées vol. 1

Potentialités de resignifications des (ré)existences artivistes urbaines

Cíntia Sanmartin Fernandes, Micael Herschmann

Résumé

Les artivismes sont d'une pertinence indéniable et sont bien présents sur la scène médiatique et dans différentes sphères de la vie quotidienne, non seulement au Brésil, mais dans différentes régions du globe. À une époque de forte polarisation et de précarité de la vie sociale, ces initiatives engagées constituent, en quelque sorte, un zeitgeist qui caractérise aujourd'hui le milieu artistique-intellectuel. Cet article est consacré à l'analyse la popularité croissante des initiatives féminines artivistes sur la scène de Samba de la ville de Rio de Janeiro. Les cercles de samba et les cortèges de blocs féminins se constituent aujourd’hui dans des espaces importants d’expression et de mobilisation sociales des groupes minoritaires (féministes et  LBGTQIA+). Ces dynamiques musicales concourent à la visibilité d’une nouvelle vague d’artivisme de genre – dans un contexte autoritaire au Brésil –  menant une forme de résistance et de dissidence, et participent à re-signifier le quotidien et l'imaginaire de la ville.

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Par Cíntia Sanmartin Fernandes, enseignante et chercheure à l’Université de l'État de Rio de Janeiro & Micael Herschmann, enseignant et chercheur Université Fédérale de Rio de Janeiro.

Si au cours de la première décennie du XXIe siècle, on a beaucoup parlé des squatteurs, des printemps, des soulèvements et, en général, des initiatives des mouvements sociaux progressistes[1], au cours de la dernière décennie, de nombreux dirigeants ont été surpris par la montée rapide des groupes conservateurs et radicaux, qui ont généré consternation et mobilisations parmi différents acteurs, plusieurs d'entre eux sont liés à l'univers pluriel de l'art. Une bonne partie de ces réactions et initiatives cherchaient, à travers des performances et des langages esthétiques, à mettre en lumière la précarité des minorités, du travail, des droits politiques et civils, ainsi qu’à faire face à la xénophobie et à l'offensive réactionnaire visant la dissidence et les minorités raciales, de classe et de genre.

Dans les espaces publics, les manifestations de négation de l'altérité, les pratiques de censure et de répression, les agressions intenses (certaines mortelles) et les affrontements entre divers groupes sociaux – en présentiel et sur Internet – sont devenues de plus en plus récurrentes dans la vie quotidienne à divers endroits de la planète. Dans ce scénario, il n'est plus possible d’affirmer que ces manifestations ne sont l'action que de groupes isolés ou qu'elles ne se produisent seulement dans des régions marquées par des régimes moins démocratiques ne protégeant pas les institutions et les droits de leur population.

En ce sens, il convient de mettre en valeur quelques exemples de (ré)actions des acteurs les plus engagés et sympathisants (qu'ils soient politiques, artistes, leaders ou citoyens) : en 2017, par exemple, la ville universitaire de Charlottesville, dans l'État de Virginie (USA), a été la scène de protestations et de manifestations néofascistes avec des centaines d'hommes et de femmes munis de torches, effectuant des saluts nazis et en criant des mots d'ordre contre les Noirs, les immigrés, les homosexuels et les Juifs[2]. Cette même année, l'artiste visuel français, connu sous le pseudonyme « JR », installe de grands panneaux en extérieur montrant des images d'enfants souriants près de la frontière avec le Mexique (dans la région de Tecate), initiative qui a excessivement déplu aux membres du Gouvernement Trump et à une partie de ses électeurs les plus exaltés[3]. Au cours de cette période, la violence policière contre la population noire a également commencé à s'intensifier aux USA. Quelques interventions violentes ont d'ailleurs été enregistrées à travers des images de caméras d'appareils mobiles et de téléphones portables, amplifiant davantage le climat d’agitation et d'indignation. En réponse, des activistes et des sympathisants antiracistes ont commencé à promouvoir d'innombrables manifestations artistiques et de protestations reconnues mondialement comme faisant partie du mouvement « Black Lives Matter »[4]. Parmi les principales manifestations esthétiques et politiques, certaines ont réuni des foules au moment le plus critique de la pandémie de Covid-19. En Europe, des rencontres impliquant des leaders politiques d'extrême droite ont elles aussi commencé à hanter les gouvernements guidés par les agendas progressistes. En 2018, à travers les médias, nous avons assisté avec stupéfaction non seulement à un  défilé de néo-nazis dans les rues de Stockholm (Suède), mais aussi à la présence de six mille militants d'extrême droite, dont des participants de différentes régions d'Allemagne, organisant une marche dans la ville de Chemnitz pour exigeant des lois plus sévères vis-à-vis des étrangers entrant sur le territoire. Au même moment, des manifestations antifascistes ont éclaté dans les rues de Rome, Londres et Paris. Adam Szymczyk, conservateur de l'exposition d'art parmi les plus prestigieuses du monde, la Documenta, a consacré la quinquennale de 2017 à la question complexe et controversée de la migration dans un monde globalisé[5]. Dans son édition de juin 2018, l'organisation de la biennale de Berlin a également présenté son titre emblématique « We don’t need another hero », un message comme une prise de position. La commissaire d'exposition sud-africaine Gabi Ngcobo est arrivée à la conférence de presse en inaugurant la thématique de l’affrontement très proche de l'ensemble des problématiques abordées par Éric Alliez et Maurizio Lazzarato dans leur ouvrage Guerres et capital (2016), soulignant que nous vivrions dans un « état de guerre » constant.

Au Brésil, ce qui a peut-être le plus choqué et/ou attiré l'attention de certains citoyens – outre le mouvement anti-vaccination, les manifestations bolsonaristes (toujours très bruyantes et intimidantes dans certains centres urbains), et les stratégies claires de démantèlement des domaines de la santé, de la culture, de l'éducation, des sciences et des technologies – était la généralisation des pratiques de censure et de répression des « expressions artivistes » cherchant à dénoncer le caractère mortifère des pouvoirs conservateurs du pays. L'exposition « Queermuseu – cartografias da diferença na arte brasileira » (Musée Queer – cartographies de la différence dans l'art brésilien) a été un jalon historique dans les polémiques de la seconde moitié des années 2010[6]. De nombreux faiseurs d'opinion et publics différents ont toutefois été sensibilisés par d'autres controverses jadis impensables. Parmi quelques exemples rapportés sur les réseaux sociaux et par les médias traditionnels, citons l’ensemble des difficultés bureaucratiques imposées par l’ANCINE (Agência Nacional do Cinema) qui ont retardé de deux ans la sortie du long métrage sur la guérilla Marighella, réalisé par Wagner Moura et produit par le producteur O2[7] – retraçant la vie du militant communiste brésilien Carlos Marighella [ndlr] – ; la détermination de Marcelo Crivella (maire de Rio de Janeiro) lors de la 19e édition de la biennale du livre de Rio à retirer les ouvrages traitant de l’homosexualité en envoyant les inspecteurs du Secrétariat du Maire examiner les stands de l’événement[8] ; l’imbroglio judiciaire impliquant la société de production de vidéos Porta dos Fundos qui avait d’abord opposé son veto à la première de son « Especial Natal » parodie biblique [ndlr] – sur la plateforme de streaming Netflix[9] ; et par décision du ministère de la Justice, la troisième édition du « Facada Fest » – événement musical de groupes de rock et punk de Belém – a vu son annulation forcée par la répression des forces de police locales[10].

RÉ-EXISTENCE DES LUCIOLES DANS LA VILLE

Au vu de ces événements mentionnés ci-dessus et de plusieurs autres qui ont occupé la scène médiatique mondiale, on pourrait se demander : comment comprendre la complexité de ce nouveau contexte de polarisation et d’abjection grandissantes face à l’autre, non seulement au Brésil mais en général ? Quel a été le rôle de l'art dans cette nouvelle « ambiance »[11] contemporaine : que ce soit dans les assemblages de langages et de performances, dans les mobilisations sociales et/ou les débats houleux ? Tout cela constituerait-il en quelque sorte les développements les plus palpables d'une sombre articulation entre le capitalisme néolibéral (surtout rentier) et la montée des groupes d'extrême droite dans plusieurs pays ? Dans leur ouvrage Ódios políticos e política do ódio: lutas, gestos e escritas do presente (2019), Ana Kiffer et Gabriel Giorgi constatent que nous naviguons aujourd’hui entre l'activisme et l'interprétation attentive des événements dramatiques qui nous atteignent et nous hantent. Pour les auteurs, nous vivrions au cours de la dernière décennie dans un régime d’affection modulé par la haine, dans lequel la nécropolitique vient occuper la place du soi-disant pacte social ou « civilisateur », qui s’est traduit par une condition dramatique de « précarisation »[12] et dans l’explosion de manifestations de racisme, xénophobie, violence patriarcale, sexismes divers et classicismes enragés.

L'enjeu de repenser l'activisme artistique consiste à comprendre ce qui fonde la radicalité de pratiques qui ne se prêtent pas à être exclusivement analysées sous le critère de leur dimension politique ou en tenant compte de leur nature « artistique » puisqu'elles semblent aller à plusieurs reprises au-delà des conventions des deux domaines, de l'Art et de la Politique[13]. Les manifestations artivistes, en pointant des possibilités de changement social dans les processus contemporains (une radicalité ou une puissance qui ne peut être expliquée en termes d'efficacité institutionnelle ou d'identité logique), indiquent généralement des chevauchements et des intersections complexes entre des expériences politiques et esthétiques[14]. Le néologisme du terme « artivisme » – d'ailleurs assez polysémique – suggère également que l'analyse de ces formes d'action difficiles à définir représentent un défi, même d'un point de vue lexical : ainsi l'art, l'activisme, l'esthétique et la politique, entre autres termes apparentés, sont à la fois insuffisants et trop vagues pour rendre compte de ce phénomène[15].

Les relations entrelacées et complexes entre militantisme, art, politique et esthétique semblent avoir la notion de réexistence comme un élément important de leur problématisation. La notion traditionnelle de « résistance » a été très débattue et utilisée dans diverses analyses développées dans divers domaines de la connaissance : de la résistance physique des corps à la résistance politique[16], ces pratiques ont notamment été analysées par les chercheurs en sciences sociales[17], qui cherchent à contribuer à la compréhension des tensions – entre matériaux, sujets, mouvements sociaux – mettant en lumière ou critiquant surtout une certaine perspective dialectique dans les usages de ce concept[18]. En effet, la perspective classique de la résistance met l'accent sur les réponses ou les dénégations placées face à un pouvoir oppressif ou à des modèles préalablement constitués dans un sens plus dichotomique et binaire. Dans la perspective décoloniale[19], l'effort et l'élaboration de « réexistences » – comme dirait Didi-Huberman, la « lueur des lucioles »[20] dans la dissidence – des manières de sentir/penser, d'agir et de créer des manières d'exister au monde qui se constituent à travers diverses insurrections et irruptions (ré)inventées dans le quotidien, où les pratiques et le militantisme artistiques sont placés comme un champ d'expérimentation privilégié.

Nous évoquons ici la notion de « (ré)existence » et nous l'utilisons précisément pour échapper à une vision plus rigide, oppositionnelle et binaire des tensions sociales présentes et pertinentes dans un contexte donné. Dans cette perspective, nous cherchons également à valoriser d'autres aspects présents dans la dynamique de la vie sociale : caractérisés par la dynamique entre continuité/discontinuité, les articulations et négociations possibles avec l'autre, ainsi que la capacité des acteurs à se réinventer et créer des fissures[21] dans les structures existantes. De plus, nous avons essayé de mettre l'accent sur les petites tactiques et les astuces quotidiennes de ces formes de réexistence, qui sont souvent menées de manière peu organisée, avec des éléments plus intuitifs, affectifs et spontanés. Autrement dit, la notion de « (ré)existence » semble mieux rendre compte de dynamiques sociales quotidiennes larges et complexes, dans lesquelles les acteurs non seulement résistent, mais dirigent, occupent, négocient, fuient, existent, créent, persévèrent, etc.

Évidemment, nous pouvons dire que la politisation consciente de l'art survient souvent en réponse à la perception qu'il soit déjà en quelque sorte politisé[22]. Souvent, le désir de changement social ou de réexistence a conduit les artistes à travailler dans le domaine de l'art, cherchant à s'aligner sur des mouvements sociaux plus larges et/ou à rompre avec les institutions artistiques établies[23]. Au même moment, au cours de l'histoire, différents mouvements sociaux ont déclenché différentes expressions artistiques comme moyen de sensibiliser et de mobiliser des segments sociaux plus significatifs. Les exemples les plus palpables sont peut-être ceux qui impliquent l'agencement de la musique (comme les chansons de protestation qui sont devenues une sorte d'hymne pendant des générations – comme Blowin in the Wind (de Boby Dylan) et la performance de « concerts meeting », qui continuent de se produire à grande échelle dans différents endroits du monde), ainsi que la production audiovisuelle (comme l'utilisation de masques et d'éléments visuels issus de films et de séries, tels que : V pour Vendetta, La Casa de Papel et Squid Game, largement re-signifiée dans les performances des militants actifs aujourd'hui. En ce sens, des auteurs tels que Miguel Chaia (2007), Dimitrina Senova (2019) et Paolo Raposo (2015) soulignent qu'il faut tenir compte du fait qu'il existe une histoire extrêmement riche et inspirante de l'artivisme tout au long du XXe siècle (y compris pour les générations à venir), qui ont fréquemment impliqué divers courants des soi-disant avant-gardes artistiques, tels que Dada, le surréalisme, les situationnistes, le pop art, l'art de la guérilla, Fluxus, le border art, parmi de nombreux autres mouvements.

Cependant, le critique Charles Esche souligne qu'il faut être conscient et observer qu'il existe aussi des différences entre l'artivisme qui a caractérisé le XXe siècle et celui d'aujourd'hui. Selon lui, « […] les artistes engagés socialement des années 2010 […] semblent moins soucieux que leurs prédécesseurs de sensibiliser ou d'éveiller le sens de la responsabilité collective ; [en même temps, ils semblent être] plus engagés dans la compréhension de la manière dont les mouvements existants peuvent être soutenus et renforcés par l'intermédiaire de ce qui existe déjà »[24]. En ce sens, Mesquita souligne également que l'activisme du XXIe siècle propose une certaine recomposition d'actions politiques à caractère contestataire, articulées autour de la formation de collectifs et de modes de participation inclusive et directe. L'auteur identifie dans les processus d'expérimentation esthétique une posture tournée hors du « monde de l'art », dans laquelle la paternité cède la place à la production collective et les concepts issus de l'univers politique – guérilla, tactique, stratégie – sont devenus de plus en plus centraux dans le processus de création[25].

Nous tenons à souligner que nous n'avons pas cherché ici à aborder les interminables débats autour de l'artivisme. Ainsi, happenings et performances, typiques de l'artivisme, sont de plus en plus utilisés comme « tactiques et artifices »[26] de la fabrication politique actuelle dans le cadre d'un ensemble de stratégies sensorielles et spectaculaires[27]. De fait, la spectacularisation est de plus en plus traitée comme un ingrédient fondamental susceptible de garantir une certaine répercussion aux diverses initiatives sociopolitiques et culturelles dissidentes[28] et/ou qui constituent des expressions de « soulèvements »[29] où le partage des émotions et des affects fusionnent dans le fait d'être ensemble dans les villes contemporaines.

Dans le contexte de cet ensemble de sujets brièvement mentionnés ci-dessus, nous soulignons que, ces dernières années, nous avons étudié certaines professions musicales féminines dans les espaces publics de la ville de Rio de Janeiro qui ont construit des initiatives dissensuelles pertinentes. Comme nous le verrons problématisé ci-dessous, à plusieurs reprises, nous avons observé dans nos recherches que ces professions ont favorisé d’importantes manifestations artivistes dans le monde de la samba et favorisé d’importantes resignifications dans les imaginaires de la ville. On peut dire qu’en examinant les nombreuses dynamiques culturelles qui ont été produites dans la vie quotidienne de cette ville, on peut voir que les cercles de samba et les cortèges de blocs féminins se constituent certainement aujourd’hui dans des espaces importants et peut-être stratégiques d’expression. Ces dynamiques concourent à la visibilité d’une nouvelle vague d’activisme de genre bien que cela se produise dans un contexte plus autoritaire, comme c’est le cas au Brésil.

SCÈNE FÉMININE DE MUSIQUE DE RUE

En cette « période d’urgence » et de « boom de l’artivisme »[30], nous avons remarqué dans nos recherches que l’engagement des femmes dans la samba (et le carnaval) et le premier plan qu’elles y occupent ont augmenté à tel point qu’il est possible de parler de scène musicale féministe locale. Cette croissance n’était pas seulement due au nombre de cercles, de blocs et de fêtes dirigés par des femmes, mais aussi à la façon dont leurs programmes de genre ont gagné en visibilité. En ce sens, il est de plus en plus courant dans cette scène de soutenir (y compris certains segments progressistes de l’État) non seulement des manifestes qui rejettent le harcèlement et la violence à l’égard des femmes, mais aussi la création de programmes sociaux pour soutenir les femmes victime d’abus. Une autre initiative ayant particulièrement attiré notre attention dans l'étude sur le terrain est la pratique récurrente de l’utilisation explicite du « corps comme média », conduisant de nombreuses activistes à élaborer des tatouages temporaires – avec des phrases féministes attestant que les femmes assument de plus en plus leur propre corps comme un étendard, incorporant des mots d’ordre qui évoquent notamment l’exigence du respect –,  pratiques devenues courantes dans les cercles de samba mettant en vedette des femmes, comme dans les événements organisés par le collectif Samba Que Elas Querem.

D'ailleurs, il convient de noter que les cercles organisés que nous analysons ici – Samba Que Elas Querem – ont été initiés dès 2017 par des musiciennes et sont nés selon elles d’un désir de mettre en vedette le sexe féminin dans la scène de la samba carioca. Elles voient leurs cercles comme un espace de représentation féminine où tout le monde peut se sentir inclus, en particulier les minorités. Celles-ci ont gagné en notoriété en faisant d’abord des parodies de chansons de samba au ton sexiste : la parodie la plus populaire est la chanson « Mulheres » (composée par Martinho da Vila et Toninho Geraes). Dès 2020, elles ont également commencé à développer leur travail au-delà du compte d'auteur avec la sortie de trois singles : « Levanta povo », « Menino Miguel » et « Partido inconsciente ». Le groupe s’est produit dans différents cercles et a donné de multiples concerts de rue et en salle, dans des musées ou encore des fondations. Souvent, les représentations dans des espaces hybrides (publics et privés) Sont liées au besoin de construire des « espaces sûrs » et plus protégés pour les femmes et les minorités en général. En ce sens, Silvia Duffrayer, l’une des dirigeantes du collectif, explique :

Nous sommes très attentives à tout ce qui se passe lors de nos événements. On ne peut pas tolérer que quelqu’un soit agressé ou harcelé... Nous devons être très attentives à toute forme de violence [...]. Et c’est une responsabilité très importante pour quiconque organise un événement public, nous nous sentons responsables de prendre soin de tout le monde, vous voyez ? Une fois, dans un de nos cercles, une équipe de supporters est venue et, bien sûr, il y a eu des embrouilles et des troubles. Nous avons aussi des agents de sécurité qui nous aident dans la rue. Nous en avons besoin [...]. Jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu de problème avec la police. Tout événement qui se tient dans la rue, principalement dans le centre-ville de Rio de Janeiro, doit être sous contrat pour être dûment autorisé. Très rarement, nous organisons de plus petits événements, de plus grande mobilité, dans lesquels il est possible de s’investir ponctuellement, d’occuper la rue. Nous nous sommes déjà produites dans un petit événement avec le Slam das Minas. Elles ont un Combi sympa, qui offre plus de mobilité pour ce type d’occupation culturelle [...]. Il faut tenir compte du fait que, dans notre auditoire, il y ait des mères portant des bébés ou des enfants en bas âge. Ces personnes prennent part aux cercles parce qu’elles continuent de se sentir en sécurité avec nous[31].

À propos de la pertinence du travail de ce groupe musical pour le mouvement artiviste féministe de Rio de Janeiro, Duffrayer souligne :

En tant que groupe, nous fêtons nos quatre ans en 2021. Mais avant cela, il y avait des femmes qui se rencontraient, échangeaient et voulaient occuper ces espaces dans la rue et dans le monde de la samba [...]. Les femmes se mobilisaient déjà, même si elles n’apparaissaient pas en public sous la forme de cercles féminins. Moça Prosa et Bambas de Saia, sont des groupes qui existaient déjà avant dans les années 1990, mais qui n’avaient pas beaucoup de visibilité avant cette dernière décennie. C’était autre chose, c’étaient d’autres discours, où le racisme était principalement discuté. Malheureusement, le machisme était en arrière-plan à l’époque. De nos jours, après de nombreux combats, certaines choses se sont améliorées et nous avons conquis notre espace [...]. Nous essayons dans nos cercles de créer un environnement dans lequel chacun se respecte... pour créer un contexte avec davantage de liberté par rapport à l’autre. Nos cercles tentent de constituer un lieu de respect de la diversité, sans distinction de race ou de sexe [...]. J’ai moi-même déclaré publiquement que la Samba Que Elas Querem est très puissante, parce que nous sommes des femmes complètement différentes, venant d’endroits différents et avec des histoires de vie variées [...]. Il faut noter qu’il existe un mouvement très actif de femmes sambistas. D’ailleurs, le « mouvement des femmes sambistas » a pu approuver en 2021 la journée de la femme sambista, qui a même été célébrée le mois dernier [...]. Le fait est que la Samba que Elas Querem détient cette vision militante parce que nous sommes des femmes, mais nous n'y sommes pas juste enfermées. Bien sûr, nous sommes très engagées dans la cause des femmes noires et pauvres qui résistent à l’oppression du monde machiste. Cependant, nous n’avons pas non plus perdu de vue notre concentration sur le travail poétique et artistique. Beaucoup de danseuses de Samba d’hier et d’aujourd’hui ne sont pas si féministes et, malgré cela, ont fait un très bon travail, créatif et innovant. Il est très émouvant que vous puissiez discuter et vous adresser à différents publics. Je reconnais qu’il y a beaucoup de politique dans ce que nous faisons. Cependant, nous sommes des femmes artistes avant d’être des activistes. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il y a plusieurs groupes qui se sont formés et qui sont notre miroir. C’est très beau et cela nourrit notre travail[32].

Il convient de noter qu'en plus des cercles, le groupe œuvre également comme un collectif d'artistes faisant la promotion de lives et de forum sur Internet abordant divers sujets, en particulier ceux liés aux questions de genre et ethnico-raciales. De toute évidence, ces activités en ligne sont devenues plus fréquentes pendant la pandémie du Covid-19 et ont commencé à être intégrées à la routine de ces activistes.

En bref, on peut dire que, malgré un contexte autoritaire et plus défavorable au cours des cinq dernières années au Brésil, la grande majorité de ces femmes qui participent à ces collectifs d'artivistes féminins ont promu des manifestations de cultures de remix et ont réinventé le monde de la samba et du carnaval de rue. On peut dire qu'elles remixent avec créativité : a) les dynamiques de la ville (en cherchant à construire des « espaces sûrs » dans l'espace public, en créant des manifestes) ; b) leurs corps (ce sont des corps renforcés par des « alliances » et des intersectionnalités qui deviennent les « protagonistes » occupant tous les instruments, jouant avec plus de liberté, presque comme des « potentia gaudendi »[33] ; et c) enfin, elles remixent fréquemment des bribes de paroles de chansons, mettant à l'ordre du jour leur agenda féministe (ou post-féministe) articulé aux questions de genre (et post-genre).

CONSIDÉRATIONS FINALES

Suivant le champ de la vie quotidienne comme perspective fondamentale de la ville, les scènes festives musicales urbaines présentent et déplacent les corporéités féminines du lieu de passivité et de soumission du lieu d'action et de présence dans les environnements festifs, permettant le déplacement des discours essentialistes sur le sexe, la race et le genre, constituant les relations sociales de la société brésilienne. Ce qui a été révélé au cours des dernières années de recherche dans les rues de Rio de Janeiro, c'est que les corps féminins, non binaires, transgenres, noirs et précaires continuent à s'allier, provoquant des changements politiques à partir de leurs performances dans les fêtes et les cercles urbains. Cette perspective non essentialiste des corps échappe à la logique binaire forgée par les discours et récits modernes, permettant de se rapprocher de la perspective de Jean Duvignaud pour qui les fêtes peuvent être des espaces de transgression, et pas seulement la perpétuation et la légitimation de règles, valeurs et normes sociales d'une époque. En d'autres termes, les fêtes seraient également vécues comme des opportunités de « plein contentement » résultant de la réalisation de désirs, de rêves et de plaisirs, elles permettraient donc des moments de rupture et de subversion par rapport aux schémas culturels établis.

De cette façon, nous comprenons l'atmosphère festive dans les rues de Rio de Janeiro – exprimée par le corps, la danse et la musique – comme un moment temporaire de brouillage des structures de violence et d'oppression, où des groupes historiquement précaires rompent temporairement avec les positions de subordination qui ont été/sont imposées. Dans ces temps-espaces de fête, ou « hauts lieux »[34], des groupes de femmes, de noirs, de travestis, de lesbiennes, de gays, de transsexuels et de queers assument le premier rôle à travers des performances dissidentes qui énoncent d'autres manières d'habiter et d'exister, d'autres éthiques et esthétiques. Le premier plan joué par ces corps insoumis qui occupent les espaces urbains indique la présence de ce que nous appelons des « performances de dissidence », dans lesquelles le registre de l'insubordination est vu à travers l'appareil sensorimoteur. C'est par le corps, par la manière d'être, dans les gestes, c'est-à-dire dans la performance, que les pratiques de ces groupes opèrent en dissidence. Il faut préciser que la notion travaillée ici, de « performance dissensuelle » ou « performance de dissidence », renvoie à la reformulation philosophique proposée par Rancière sur le concept de politique.

En bref, l'auteur préfère « réserver le mot politique à l'ensemble des activités qui troublent l'ordre de la police en inscrivant un présupposé tout à fait hétérogène. Ce présupposé est l'égalité de tout être parlant avec tout autre être parlant. Cette égalité [...] n'est pas directement inscrite dans l'ordre social. Elle ne se manifeste que par la dissidence, au sens le plus originel du terme : un trouble du sensible, une modification singulière du visible, du dicible, du dénombrable »[35].

Cette notion nous aide à réfléchir à la puissance de ces corps féminins dans ces événements en élargissant et en créant un « lieu des figurations féminines », en soulignant leurs exigences passées et présentes et en s'inscrivant dans l’ordre du banal. Cet acte d'inscription banale dans différents espaces de la ville territorialise des rêves et des pratiques quotidiennes qui s'enracinent dans un humus faisant germer différentes identifications et partages. Ce partage et cette reconnaissance sont importants pour assurer la protection des corps qui sont en représentation dans les espaces urbains. En d'autres termes, l'agencement collectif féminin, tout en fournissant les conditions pour que les « performances de la dissidence », dépendent des artivismes pour se produire, c’est-à-dire l’articulation des « espaces de protection » et de « production », d’une interaction positive entre tous les acteurs pour que le festival d'expérience soit faisable. Ainsi, force est de constater que la dimension politique de la revendication d'occupation des espaces traverse non seulement les corps féminins, mais aussi les politiques affectives liées à la notion d'altérité de ceux qui la célèbrent. La ville, lorsqu'elle est pratiquée à partir de la fête, crée un autre corps, que nous pouvons nommer corps-festif associé aux échappatoires à l'ordre, à la viscéralité et à la sensibilité.

En ce sens, l'expérience de la fête de rue met en rapport le corps-festif avec le corps-ville, si bien que l'on peut comprendre que ces corps négocient, entrent en conflit, s'accordent et s'imposent sans cesse des limites. Nous proposons ainsi de comprendre comment le corps-festif vit la ville à partir de ses conditions interactives, sociales et politiques, et à partir de là, s'exprime dans les manières dont il se déplace et s'inscrit dans la ville, en insistant sur le programme des projets et les réglementations urbaines[36].

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[1] Pour plus d’informations sur ces mouvements qui ont marqué la décennie de 2000, reportez-vous à : HARDT M. & NEGRI A., Empire, Paris, Exils, 2016 ; CASTELLS M., Communication et pouvoir, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2017.

[2] BRANDT D., « Supremacista branco é condenado por morte de manifestante em Charlottesville », Folha de São Paulo, 07.12.2018, en ligne, (consulté le 16/12/2021).

[3] REDAÇÃO MUNDO, « Artista francês cria instalação na fronteira entre EUA e México », O Globo, 09/09/2017, en ligne, (consulté le 02/12/2021).

[4] Pour plus d'informations sur ce mouvement à échelle mondiale voir en ligne, (consulté le 15/12/2021).

[5] La 14e Documenta s'est tenue en Grèce pour la première fois et a créé la polémique. Il suffisait d'entrer dans la salle vidéo « Glimpse » de l'artiste polonais Artur Żmijewski pour être frappé par des images fortes. Dans cette installation et celle d'autres œuvres exposées, le visiteur était interpellé par des scènes violentes vécues dans les camps de réfugiés de Calais, Yayladagi, Dadaab ou encore à l'aéroport de Berlin, qui dépeignent le quotidien difficile des immigrés légaux et illégaux dans les rues des grandes capitales européennes. Voir aussi GERMANO B., « Artistas e curadores se unem para combater a crise dos refugiados », Casa Vogue, 15/02/2018, en ligne, (consulté le 29/11/2021).

[6] RISTOW F, « Santander cancela exposição Queermuseum », Extra, 11/09/2017, en ligne, (consulté le 21/11/2021).

[7] MIRANDA G., « Wagner Moura diz que há censura no Brasil em sessão de Marighella em Lisboa », Folha de São Paulo, 18/11/2019, en ligne, (consulté le 24/11/2021).

[8] JUCÁ B., « Justiça veta censura homofóbica de Crivella na Bienal do Livro do Rio », El País Brasil, 06/09/2019, en ligne, (consulté le 24/11/2021).

[9] GUERRA R., « Desembargador censura Especial de Natal do Porta dos Fundos na Netflix para acalmar ânimos », O Globo, 09/01/2020, en ligne, (consulté le 12/11/2021).

[10] REDAÇÃO. « Carlos Bolsonaro critique l'événement Facada Fest », IG Último Segundo, 19/06/2019, en ligne, (consulté le 10/11/2021).

[11] TIBAUD J-P., En quête d’ambiances. Eprouver la ville, Genève, Metis Presses, 2015.

[12] BUTLER J., Corpos em aliança e a política das ruas, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2018.

[13] MESQUITA A. et al. (DIR.), Arte e Ativismo, São Paulo, MASP/Afterall, 2021 ; DI GIOVANNI J. R., Artes do impossível, São Paulo, Annablume, 2012 ; « Artes de abrir espaço », Cadernos de Arte e Antropologia, vol. 4, n. 2, 2015, pp. 13-27.

[14] AZNAR ALMAZAN Y. & CLAVO M. I., « Arte, política y activismo », Concinnitas, Rio de Janeiro, Instituto de Artes/UERJ, ano 6, vol. 1, n. 10, 2007.

[15] GIOVANNI J. R., Artes do impossível, op. cit.

[16] BUTLER J., Corpos em aliança e a política das ruas, op. cit.

[17] SPIVAK G., Pode o Subalterno falar? Belo Horizonte, Ed. UFMG, 2013 ; HALL S., Da diáspora, Belo Horizonte, Ed. UFMG, 2013.

[18] ZANELLA A. V. et al., « Sobre reXistências », Revista Psicologia Política, vol. 12, n. 24, 2012.

[19] MALDONADO-TORRES N., « El arte como territorio de re-existencia: uma aproximación decolonial », Iberoamérica Social, n. 8, 2017, pp. 26-28 ; WALSH C. (dir.), Pedagogías decoloniales, tome 1, Quito, Abya Yala, 2013 ; MIGNOLO W. Trayectorias de re-existencia, (org. por Pedro Pablo Gómez). Bogotá: Universidad Distrital Francisco José de Caldas, 2015.

[20] DIDI-HUBERMAN G., Survivance des lucioles, Paris, Éditions de Minuit, 2009.

[21] WALSH C. (dir.), Pedagogías decoloniales, op. cit.

[22] MESQUITA A., Insurgências Poéticas, São Paulo, Annablume, 2011.

[23] BRADLEY W., « Introdução », MESQUITA A. (dir.), Arte e Ativismo, op. cit.

[24] ESCHE Ch., « Prefácio à segunda edição », Idem.

[25] MESQUITA A., Insurgências Poéticas, op. cit.

[26] DE CERTEAU M., A invenção do cotidiano, Petrópolis, Vozes, 1998.

[27] DI GIOVANNI J. R., « Artes de abrir espaço », op. cit.

[28] RANCIÈRE J., O desentendimento, São Paulo, Ed. 34, 1996.

[29] DIDI-HUBERMAN G., Désirer désobéir. Ce qui nous soulève, Paris, tome 1, Les Éditions de Minuit, 2019.

[30] FERNANDES C. et al. (dir.), Artivismos Urbanos. Porto Alegre, Editora Sulina, 2022.

[31] Interview accordée à notre étude le 02/08/2021, par la musicienne Silvia Duffrayer du groupe Samba que Elas Querem.

[32] Idem. La Journée de la femme sambista – le 13 avril – considérée comme une réalisation du mouvement, a été officiellement instituée au niveau national (en hommage à Dona Ivone, née à cette date), en 2021 (loi n° 2517/21). Il convient de mentionner, qu'unies dans le but d'élargir et de consolider l'espace des femmes dans la samba carioca, les artistes qui travaillent dans le Mouvement des femmes sambistas cherchent à constituer une instance importante en faveur des luttes des femmes pour l'égalité et le respect. À propos du Movimento das Mulheres Sambistas, voir en ligne.

[33] PRECIADO P. B., Testo Junkie, São Paulo, N1-Edições, 2018.

[34] Formé par des lieux de représentation et de communion, de reconnexion, engendrant le sens spécifique de chaque groupe. Des lieux où des sentiments de communion sont vécus, au sens le plus religieux du terme. En d'autres termes, ces lieux peuvent être concrets ou symboliques. Ils peuvent être configurés aussi bien dans un temps et un espace définis que dans un espace virtuel ou imaginaire. Ce qu'ils ont tous en commun, c'est qu'ils représentent des espaces de fête. Une célébration qui : « donne aux religieux leur dimension originelle de reconnexion ; cela peut être une célébration technique (Musée de la Villette, Vidéothèque), culturelle (Beaubourg), ludique-érotique (Le Palace), consumériste (Les Halles), sportive (Parc des Princes, Roland-Garros), musicale (Bercy), religieuse (Notre-Dame), intellectuelle (le grand amphithéâtre de la Sorbonne), politique (Versailles), commémorative (l'Arche de la Défense), etc... tels sont les espaces où sont célébrés les mystères. Où nous nous reconnaissons, où nous nous reconnaissons, et donc où nous nous reconnaissons » (Maffesoli M., Notes sur la postmodernité. Le lieux fait lien, Paris, Éditions du Félin, 2013, pp. 71-72).

[35] RANCIÈRE J., O desentendimento, op. cit., pp. 372-373.

[36] Cette discussion fait suite aux réflexions menées par les chercheurs du Groupe de Recherche Communication, Art et Ville (CAC), rattaché au PPGCOM-UERJ, dont une partie est accessible dans la collection « Art, Communication et (Trans)politique : le pouvoir des femmes dans les villes » organisée par Cíntia Sanmartin Fernandes, Jess Reia et Patricia Gomes, en ligne.

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L’esthétique et la vie quotidienne. Du finish (K. Marx) aux stories

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