N°14 / Miscellanées vol. 2

Une histoire du cinéma : le cinématographe Lumière

Alpha Bah

Résumé

Où, quand et comment est né le cinéma ? Serait-ce le 28 décembre 1895, au Grand Café du boulevard des Capucines, sur une toile toute frémissante des premières images enregistrées par les frères Lumière ? Ou quelques années plus tard, lorsque le film, de pur exploit technique, va devenir un langage véritablement articulé ? Ou au contraire depuis que, dans la nuit des temps savants, philosophes et hommes de spectacle se sont efforcés de dédoubler le réel, de reproduire l’illusion de son mouvement, le jeu de ses ombres et de ses lumières ? Devant cette multiplicité d’hypothèses, il est sans doute plus simple, et même plus exact, de considérer que le cinéma n’a pas pas vécu une naissance mais plusieurs ; que son histoire se constitue en fait d’un enchaînement de naissances successives, retardées ou accélérées par le progrès technique, l’inspiration des créateurs et les lois de l’argent. Et lorsqu’on s’interroge pour savoir dans quelles circonstances le cinéma accéda au statut d’art, ne conviendrait-il pas également de se demander si l’art lui-même, au contact inattendu du cinéma, n’a pas changé d’acception ?

 

 

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« À ce spectacle, nous restâmes tous bouche bée, frappés de stupeur, surpris au-delà de toute expression. À la fin de la représentation, c’était du délire, et chacun se demandait comment on avait pu obtenir pareil résultat ».

                   Georges Méliès, Salon du Grand Café, Paris, 28 décembre 1895

 

Jean-Luc Godard, dans une de ses œuvres majeures déclarait : « Pour moi, la plus grande de toutes les histoires est l’histoire du cinéma par qu’elle se projette ».

Jean-Luc Godard, Histoire (s) du cinéma, France, 1988-1998

Où, quand et comment est né le cinéma ? Serait-ce le 28 décembre 1895, au Grand Café du boulevard des Capucines, sur une toile toute frémissante des premières images enregistrées par les frères Lumière ? Ou quelques années plus tard, lorsque le film, de pur exploit technique, va devenir un langage véritablement articulé ? Ou au contraire depuis que, dans la nuit des temps savants, philosophes et hommes de spectacle se sont efforcés de dédoubler le réel, de reproduire l’illusion de son mouvement, le jeu de ses ombres et de ses lumières ? Devant cette multiplicité d’hypothèses, il est sans doute plus simple, et même plus exact, de considérer que le cinéma n’a pas pas vécu une naissance mais plusieurs ; que son histoire se constitue en fait d’un enchaînement de naissances successives, retardées ou accélérées par le progrès technique, l’inspiration des créateurs et les lois de l’argent. Et lorsqu’on s’interroge pour savoir dans quelles circonstances le cinéma accéda au statut d’art[1], ne conviendrait-il pas également de se demander si l’art lui-même, au contact inattendu du cinéma, n’a pas changé d’acception ?

 

 

ET L’ON S’ETONNA, LES FEUILLES BOUGENT

Nous sommes à Paris, le 28 décembre 1895, dans le sous-sol du Grand Café où le cinématographe Lumière donne ses premières représentations publiques. Sur la toile blanche tendue au milieu du « Salon Indien » vient s’inscrire l’image cinématographique plus grande que nature d’un bébé et ses parents derrière une table dressée en plein air. Jusque-là, rien que de très habituel. Mais soudain la photographie s’anime. Le public stupéfait découvre une scène paisible enregistrée un jour de printemps dans le jardin de la maison Lumière à Lyon-Monplaisir : le père Auguste Lumière donne, cuillère par cuillère, Le déjeuner de bébé sous le regard attendri de son épouse.

« Les feuilles bougent ! » commentent, admiratifs, les premiers spectateurs — parmi lesquels Georges Méliès lui-même. Ainsi le motif principal de la scène — les grimaces de l’enfant mangeant sa soupe — retient moins leur attention qu’un détail insignifiant entr’aperçu à l’arrière-plan, dans un coin de l’image : les frondaisons de quelques arbres agitées par un vent printanier.

Cette curieuse réaction nous éclaire sur l’apport original du cinématographe. En 1895, l’image animée n’était plus une nouveauté. Depuis des années déjà, les spectateurs du « Salon Indien » étaient rassasiés d’images de bébé avalant leur soupe qu’animaient très succinctement les plaques mécanisées des lanternes magiques[2] ou plus subtilement des séries de dessins « en boucle » de quelques jouets de salon. Ils avaient même pu voir bouger des photographies en jetant un coup d’œil dans l’oculaire des boîtes à sous de Thomas Edison présentées à Paris depuis plusieurs mois, le kinétoscope. La nouveauté du cinématographe résidait en fait dans l’union fascinante d’une tradition, le spectacle d’écran et d’une technique —- la synthèse photographique du mouvement — qui réalisait (partiellement) un vieux rêve — la reproduction des apparences de la vie. La magie de l’écran s’alliait au réalisme de la photographie animée. Et les feuilles bougeaient. Le moindre frémissement de la nature visible était capté par une machine et il était possible de le redonner à volonté. L’image projetée sur une grande surface pouvait comporter simultanément une impressionnante quantité d’informations traduisant le foisonnement de la vie. Un formidable sentiment de réalité produisait le mouvement de recul des spectateurs face à l’entrée d’un train en gare ou au déferlement des vagues sur les rochers, mais aussi leur émerveillement devant la mousse montant dans les verres de bière, la fumée de cigarettes et les feuilles des arbres agitées par le vent.

Certes la production des apparences était encore imparfaite : il y manquait au moins la couleur et le son. Mais le public ne se trompa pas sur l’importance de l’événement. L’effet considérable provoqué par l’appareil de Louis Lumière fut sans commune mesure avec la simple curiosité qui avait accueilli les expériences antérieures. La préhistoire de l’image animée s’achevait au « Salon Indien ». Fin 1895 s’ouvrait une ère nouvelle, celle du cinéma.

L’origine des spectacles d’écran remonte depuis la nuit des temps. L’évocation la plus ancienne du théâtre d’ombres date des environs de 380 avant Jésus Christ avec la fameuse « allégorie de la caverne »[3]. La minutie de la description incite à penser que Platon se référait pas à une pratique courante, à Athènes du moins. Plus d’un millier d’années s’écoulèrent ensuite, sans que la philosophie revienne sur le sujet. Entre temps, le théâtre d’ombre était devenu une forme de spectacle très apprécié en Chine (d’où la dénomination fréquente « d’ombres chinoises »), en Inde, en Indonésie, surtout à Java et à Bali où les marionnettes colorées du « Wayang » atteignent encore aujourd’hui une superbe expression dramatique et formelle.

La caverne et les endroits obscurs étaient les deux privilégiés de l’image magique. Il en était ainsi de la chambre noire décrite par le physicien arabe Al-Hazin[4] à l’aube du IXème siècle et dont l’origine était bien plus lointaine. On faisait le noir complet à l’intérieur d’une pièce. Seul un étroit orifice était ouvert dans l’une des cloisons. Sur le mur d’en face, les spectateurs observaient avec effroi l’image fantomatique d’un danseur tête en bas qui s’agitait à l’extérieur du lieu clos.

  CINEMATOGRAPHE : RECONSTITUTION  DE LA PREMIERE SEANCE PUBLIQUE

Le cinématographe, cet appareil, inventé par M. Auguste et Louis Lumière, permet de recueillir, par des séries d’épreuves instantanées tous les mouvements qui, pendant un temps donné, se sont succédés devant l’objectif et, de reproduire ensuite ces mouvements en projetant, grandeur naturelle, devant une salle entière, leurs images sur un écran.

L’ère du cinématographe s’est ouverte en France en 1895, les hommes qui lui donnèrent naissance avaient un nom prédestiné, ils s’appelaient Lumière, quelle est la genèse de cette invention ?  Auguste Lumière se souvient :

 « C’est avec une grande émotion que je me reporte à cette époque lointaine, le kinétoscope de T. Edison venait d’être livré à la curiosité du public, nous avions remarqué mon frère et moi combien il serait intéressant de montrer à toute une salle sur un écran des scènes animées représentant avec fidélité des objets et des personnages en mouvement, nous avons abordé ce problème et j’avais de mon côté fait construire un dispositif, je me rendis dans la chambre de mon frère qui était un peu souffrant, il m’a dit que dans le silence de la nuit qu’il avait pensé aux conditions à remplir pour atteindre le but cherché et imaginer un mécanisme capable de satisfaire à ses conditions, ce fut une révélation et je compris aussitôt que je n’avais qu’à abandonner la solution à laquelle j’ai songée, mon frère en une nuit faisait le cinématographe »[5].

Leur objectif : « Montrer des scènes animées représentant avec fidélité des objets et des personnages en mouvement ».

Si le cinématographe procède de la lanterne magique et de la photographie[6], l’origine de ces principes remonte loin, depuis l’antiquité, grecs et égyptiens s’intéressaient aux phénomènes de la persistance rétinienne[7] mais c’est au XVIIIème siècle que les physiciens purent en évaluer la durée.   La première invention scientifique sur la route du cinéma est le phénakistiscope de Joseph Plateau construit en 1832 puis ce sont le révolver photographique de Jean Jules Janssen en1874, le praxinoscope d’Emile Reynaud d’abord jouet de salon puis appareil de laboratoire en 1876, il s’agissait d’un jouet optique donnant l’illusion du mouvement et fonctionnant sur le principe de la compensation optique. Ce jouet obtiendra une mention honorable à l’exposition universelle de Paris de 1889 et aura un beau succès commercial qui permit à son inventeur de continuer ses recherches ;  le fusil photographique d’Étienne-Jules Marais inventé en 1882, appareil photographique adapté sur un fusil traditionnel modifié, permettant de prendre des photographies en rafale ; la chronophotographie à plaque d’Albert Londe (photographe français, pionnier de la photographie médicale et précurseur du cinéma), celui à pellicule de Léon Bouly 1892[8] ou encore le kinétoscope de Thomas Edison, dans une synthèse géniale qui coordonnait toutes ses inventions Louis Lumière perfectionnant le kinétoscope, franchissait l’étape décisive et inventait le Cinématographe le 13 février 1895[9].

Les grands débuts du cinématographe Lumière datent de la première représentation publique et payante qui eut lieu le samedi 28 décembre 1895 dans le sous-sol du grand café pompeusement dénommé le salon indien, un photographe parisien Clément Maurice se souvient :

 

« C’est dans cette salle de billard qu’il avait proposé un spectacle qu’il qualifiait d’extraordinaire encore jamais vu qui allait révolutionner Paris. Le premier jour il y a eu que quelques badauds, la presse ne se déplaça pas, le premier spectacle cinématographique venait au monde dans le scepticisme et l’indifférence, Antoine Lumière était à Paris lui-même pour présenter l’invention de ses fils[10] ».

Parmi ces premiers témoins dans la pénombre et l’anonymat de la salle, un seul homme allait entrevoir les possibilités fantastiques de ce nouveau mode d’expression, cet homme était Georges Méliès ; le programme comportait 10 films, 10 films d’une quinzaine de mètres qui sont entrés dans la légende : L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat, Le déjeuner de bébé, L’arroseur arrosé, La partie de cartes, Le congrès des photographes[11]

La première journée rapporta 35 francs mais quelques semaines plus tard sans une ligne de publicité la recette s’élevait à 2000 francs par jour. Surpris par le succès, les frères Lumière recrutent des volontaires prêts à partir sur toutes les latitudes. Ces jeunes inconnus sont les premiers chasseurs d’images. La première caméra a été construite par le chef mécanicien Charles Moisson, prototype rudimentaire que Louis Lumière avec l’ingénieur Jules Carpenter avaient transformé l’appareil en un mécanisme si parfait que le principe en est resté inchangé jusqu’à nos jours. Et tandis que 200 caméras seront fabriquées à la chaine, les jeunes recrues dans la cour de l’usine se familiarisent avec le maniement de ces « coffrets magiques » grâce auxquels va se réaliser l’un des plus vieux rêves de l’humanité : « Capturer la vie, en fixer le reflet puis la libérer à volonté pour en perpétuer l’image. Avec cette invention la mort a cessé d’être absolue ».

Partant de Lyon Montplaisir, les opérateurs lumières rapporteront des quatre coins du globe une riche moisson d’images, témoignages indélébiles de cette époque : l’Angleterre, le Mexique, l’empire des Tsars, l’empire du soleil levant, les États-Unis ; de toutes les batailles livrées par l’équipe Lumière la plus difficile et non la moins glorieuse fut celle de l’Amérique où il s’agissait de battre l’inventeur T. Edison sur son propre terrain.

En moins de deux années, le cinématographe avait fait la conquête du monde, pour les Lumière c’est la consécration et Antoine le père peut enfin s’offrir le luxe d’un château, l’usine se transforme, la caméra en témoigne présentant par la même occasion les premiers trucages, l’objectif fixe toutes les scènes de présence familière, premier documentaire, premier film de fiction, ce lancement de navire : une des premières actualités, dans le cadre d’une série d’évènements bien connus, voici déjà la première inauguration présidentielle, là les actualités ont aussi leur aspect tragique. En 1897, l’incendie du bazar de la charité, attribué à l’imprudence d’un projectionniste va freiner pour un temps l’engouement du public pour cette nouveauté.

L’histoire du cinéma retiendra que les frères Lumière ont « inventé » le cinéma. « Inventé » avec  des guillemets, car loin de minimiser l’acte majeur qui vit le jour à Lyon-Monplaisir en 1895, il faut rappeler qu’une découverte universelle telle que le cinéma fut un long cheminement pour lequel l’apport des Muybridge, Marey, Demeney, Reynaud, Edison fut aussi essentiel que celui des frères Lumière, qui conclurent de façon magistrale une idée qui, comme l’a dit Lumière, « était dans l’air[12] ». Appelons simplement « pas de géant » celui que ces derniers firent franchir aux images animées, ce changement de nature qu’ils lui imprimèrent en les faisant sortir au grand air, en leur faisant découvrir la vie, en les projetant devant le public, le cinéma est avant tout un art social[13].

Mais cette avancée ne fut pas seulement technique. Car le cinématographe, c’est le cinéma tout entier. Le geste de Lumière relève d’une inspiration créatrice, d’un imaginaire et d’une vision du monde inestimables. Le cinématographe va d’emblée imposer ses univers à une foule active. En se posant des questions de mise en scène, en inventant des sujets dont des centaines de réalisateurs reprendront l’inspiration, en envoyant des opérateurs aux quatre coins du monde, Lumière agissait en cinéaste.

Le siècle des Lumière, celui de Louis, d’Auguste et d’Antoine, le père, une œuvre qui anticipe avec bonheur sur ce que deviendra le cinéma et conserve, à l’heure de la révolution permanente des images, toute sa force, fidèle aux paroles de Jean Renoir :

« Chez Lumière, ce n’est pas l’histoire qui est montrée, c’est la vie. Et la vie, c’est quelque chose de plus profond. C’est pourquoi ses films sont d’une telle importance : ils ouvrent la porte à notre imagination. C’est exactement ce que nous appelons aujourd’hui œuvre d’art[14] ».

 C’est peut-être grâce à Louis Lumière que naissent immédiatement, et malgré l’artifice historique de la coupure documentaire/fiction, les liens inséparables du cinématographe, production scientifique, et du cinéma, expression artistique devenue rapidement affaire d’industriels et de saltimbanques (G. Méliès, Charles et Émile Pathé, Léon Gaumont, Max Linder).

La nature scientifique de l’invention fut l’objet, dès l’origine et à chaque instant commémoratif de nombreuses polémiques. La recherche scientifique n’est pas un exercice solitaire, les Lumière, qui s’inspirèrent des travaux de leurs prédécesseurs, ne l’ignoraient pas. Étienne-Jules Marey (1830 - 1918), Eadweard Muybridge (1830 - 1904), Thomas Edison (1847 - 1831), George Demeneÿ (1850 - 1917), pour n’évoquer que ceux-là : l’idée d’animer des images était dans l’air du temps, comme le prouvent l’augmentation du nombre de dépôts de brevets concernant « les images animées » : de 1 en 1892 à 126 en 1896[15]. Disons que de tous les appareils, le cinématographe lumière était sans aucun doute le plus perfectionné.

 

« Si j’apprenais qu’avant l’ouverture de la salle de projection du Grand Café le 28 décembre 1895, déclara Louis Lumière, il eût été possible à quelqu’un de dire : je suis allé au cinéma, je serais le premier à rendre hommage à l’auteur de l’appareil ayant provoqué une telle déclaration. Jusque-là et en pleine quiétude d’esprit, je crois pouvoir me considérer, dans le domaine de l’industrie cinématographique, comme, comment dirais-je ?  Comme le premier venu[16] ».

Le premier venu mais pas le seul, c’est entendu. Mais des gens qui s’appellent Lumière et qui inventent le cinéma dans un quartier qui s’appelle Monplaisir, tout est dit, tout est prêt, même l’américain T. Edison ne pouvait lutter face à de telles origines patronymiques.

EXPERIMENTATION

En septembre 1894, Antoine Lumière assiste à Paris à une démonstration du kinétoscope de T. Edison. Penché sur machine qui projetait des images animées tournées en studio, il est vivement impressionné mais devine d’emblée qu’il est possible de faire mieux : les kinétoscopes en batterie ne proposent qu’à un spectateur unique les images, petites et peu lumineuses, de photographies animées. « Il faut sortir l’image de la boîte, dit-il. Je rentre à Lyon mes fils trouveront ! »

À l’automne 1894, sous l’injonction paternelle, les recherches débutent dans l’usine de Monplaisir. Auguste, l’aîné, commence. On le sait car il a toujours affirmé que n’ayant abouti à rien il en confia la responsabilité à son frère Louis. Lequel, en décembre 1894, invente un système de défilement de la pellicule et d’arrêt sur l’image qui, grâce à la persistance rétinienne, donne l’illusion parfaite du mouvement. Son idée est de faire un appareil léger et réversible qui permet à la fois prise de vues, le tirage-développement et la projection. « En une nuit, confie Auguste Lumière à Paul Paviot, mon frère avait inventé le cinématographe ». Un résumé aux accents lyriques qui ne dit rien d’un processus long et collectif.    

Louis Lumière et leurs opérateurs inventent (ou appliquent) : le travelling (qu’on appelait le panorama : depuis le Grand Canal à Venise, depuis les Fleuves de Lyon, depuis les trains, et même le travelling avant depuis les locomotives de tête) ; le trucage : La Démolition d’un mur ; le gag : L’Arroseur arrosé ; le Film Familial : Le Goûter de Bébé ; le film d’épouvante : L ‘Arrivée du train en Gare de la Ciotat ; le film d’entreprise publicitaire : La Sortie des usines Lumière ; le film comique : L’Amoureux dans le sac ; le film d’actualité : Inondations sur les quais du Rhône ; le film documentaire : Forgerons au travail ; et même avec les versions multiples de plusieurs sujets : le remake.

Les opérateurs Lumière qui essaiment la planète en quête d’images permettant d’alimenter les salles et d’offrir aux curieux un sensationnel toujours renouvelé. Neuf mois après la séance inaugurale de décembre 1895, on trouve la trace en août 1896 d’une projection… dans le port de Shanghai. Elle est là, la « victoire » de Lumière : le cinématographe collectif l’emporte sur le kinétoscope individuel parce que les spectateurs voulaient voir « ensemble un film sur grand écran » pour partager le rire, les larmes et leur regard sur le monde. C’est ce qu’ils désiraient à l’époque, c’est ce que nous voulons toujours. Le spectacle était permanent. Il continue.

« Ils sont nombreux, dans l’histoire du cinéma, les exemples d’échappées où, tout d’un coup, on sent qu’on tient quelque chose d’extraordinaire… Le plus beau, c’est Lumière. C’est même plus important que le fait qu’il ait inventé la projection. Parce que là, il y a… oui… une forme de miracle. Lumière, comme réaliste, c’est le champion toutes catégories. Eh bien, moi, je trouve pourtant que les films de Lumière, c’est du fantastique. C’est curieux, parce que ce fantastique-là, qui devrait être dans tous les films, ne s’est pas retrouvé après. Il s’est fatigué, il s’est usé car ensuite, tout a été truqué. Le cinéma de lumière montre la vie comme on ne l’avait jamais vue… Quelques films d’Edison traînaient mais, c’est frappant, ils ne valent rien. Lumière, ce n’est pas réaliste, c’est du domaine du miracle. Et c’est pourtant la réalité pour la première fois. Après, il y a une ingénuité, une pureté qui s’est perdue[17] ».

 

BIBLIOGRAPHIE

 

BAZIN A., Qu’est-ce que le cinéma, Paris, Cerf, 1985.

 

BEYLIE C. CARCASSONNE P.,  ANGELO Y., Le cinéma, Paris, Bordas, 1983.

 

BRESSON R., Notes sur le cinématographe, Paris, Gallimard, 1995.

 

CHARDÈRE B., Le Roman des Lumières, Paris, Gallimard, 1995.

ETHIS E., Sociologie du cinéma et de ses publics, Paris , Armand Colin, 2005,

        -, Les Spectateurs du temps. Pour une sociologie de la réception du cinéma, suivi de La Petite Fabrique du spectateur, Paris, L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2006.

GODARD J-L., Histoire (s) du cinéma, Paris, Gallimard, 2006.

KRACAUER S., De Caligari à Hitler. Une Histoire du cinéma allemand. 1919-1933, Paris, Flammarion, 1973.

MORIN E., Le Cinéma ou l'Homme imaginaire. Essai d'anthropologie sociologique, Paris, Minuit, 1958.

PLATON, La république, Livre VII, trad. du grec par Georges Leroux et Victor Cousin, éd. Independently published, Paris, Les Belles Lettres, 2020.

RENOIR J., Entretiens et propos, Paris, Éditions de l’Étoile, Cahiers du cinéma, 1986.

SORLIN P., Sociologie du cinéma, Paris, Aubier 1977.

 

 

FILMOGRAPHIE

 

FRÉMAUX Thierry, Lumière ! L’aventure commence, France, 2016.

GODARD Jean-Luc, Histoire (s) du cinéma, France, 1988-1998.

LUMIÈRE Louis et Auguste, L’arrivée d’un train en gare de la ciotat, France, 1896.

LUMIÈRE Louis, Le déjeuner de bébé, France, 1897.

LUMIÈRE Louis, L’arroseur arrosé, France, 1895.

LUMIÈRE Louis, La partie de cartes,  France, 1895.

LUMIÈRE Louis, Le congrès des photographes, France, 1895.

LUMIÈRE Louis, La Démolition d’un mur, France, 1896.

LUMIÈRE Louis, L’Arroseur arrosé, France, 1895.

LUMIÈRE Louis, La Sortie des usines Lumière, France, 1895.

LUMIÈRE Louis, L’Amoureux dans le sac, France, 1897.

LUMIÈRE Louis, Inondations sur les quais du Rhône, France,1897.

LUMIÈRE Louis, Forgerons au travail, France, 1895.

PAVIOT P., Lumière : la naissance du cinéma, France, 1953.

 

 

 

 

[1] BEYLIE C. CARCASSONNE P.,  ANGELO Y., Le cinéma, Paris, Bordas, 1983, p. 9.

[2] BEYLIE C., CARCASSONNE P.,  ANGELO Y., Le cinéma, op. cit., p. 12.

[3] Cf. PLATON, La république, Livre VII, trad. du grec par Georges Leroux et Victor Cousin, éd. Independently published, Paris, Les Belles Lettres, 2020.

[4] BEYLIE C., CARCASSONNE P.,  ANGELO Y., Le cinéma, op. cit., p. 15.

[5] PAVIOT Paul, Lumière : la naissance du cinéma, France, 1953.

[6] Cf. BAZIN A., Qu’est-ce que le cinéma, Paris, Cerf, 1985.

[7] La persistance rétinienne : capacité pour l’œil à conserver une trace lumineuse plus longtemps que ne dure son exposition.

[8] Inventeur français et créateur du terme Cinématographe, construit des appareils de chronographie, il dépose le 12 février le brevet dun appareil réversible de photographie et doptique pour lanalyse et la synthèse des mouvements, dit le « Cinématographe Léon Bouly.

[9] Ce sont là quelques étapes fondamentales d’un long processus qui ont abouti de façon magistrale à l’invention du cinématographe par les frères Lumière.

[10] PAVIOT P., Lumière : la naissance du cinéma, France, 1953.

[11] Titres de quelques films (vues) réalisés par les frères Lumière et ses opérateurs entre 1895 et 1905.

[12] LUMIÈRE, « Le cinématographe, 1895 - 1905 », le Coffret in FRÉMAUX Thierry, Lumière ! L’aventure commence, France, 2016.

[13] ETHIS E., Sociologie du cinéma et de ses public, Paris , Armand Colin, 2005, p. 3.

[14] PAVIOT P., Lumière : la naissance du cinéma, France, 1953.

[15] LUMIÈRE, « Le cinématographe, 1895 - 1905 », op. cit., p. 6.

[16] Ibidem., p. 8.

[17] Cf. CHARDÈRE Bernard, Le Roman des Lumières, Paris, Gallimard, 1995.

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