N°8 / Antonio Gramsci : Idéologie, Praxis, Héritages

Gramsci et la modernité. Itinéraires de recherche sur l’historiographie gramscienne de la seconde moitié du vingtième siècle

Gregorio Sorgona

Résumé

Gramsci est un point de repère essentiel pour cette tentative d’imaginer une histoire politique dans un pays où Benedetto Croce exerce son hégémonie sur l’historiographie politique. La confrontation avec Croce suit deux directions. La première direction correspond à la tentative de renouveler les thèmes de recherche de l’historiographie politique en se tournant vers l’étude des classes subalternes, selon une approche qui s’inspire du marxisme et qui aurait été impensable sans le contact avec une réalité historique explosive comme l’émergence, après vingt ans de fascisme, de formes organisées de lutte de classe. La seconde direction concerne l’historiographie du fascisme, que Benedetto Croce a fondée sur le critère selon lequel ce phénomène politique aurait constitué une parenthèse dans l’histoire italienne.

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Gregorio Sorgonà, Docteur en Histoire et en Philosophie.

Cet essai se propose de reconstituer la façon dont se forme, durant les années soixante-dix, un nouveau paradigme interprétatif de la pensée d’Antonio Gramsci, en utilisant comme point d’observation le rapport entre la théorie gramscienne et l’histoire. La tradition innovée est celle qui se forme juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui a déterminé la spécificité du communiste sarde dans son rapport avec l’histoire nationale. La première partie de cette intervention reconstituera les caractéristiques de cette première période gramscienne. Dans la deuxième partie, cet essai introduira les caractères généraux du paradigme qui s’est affirmé dans les années soixante-dix. Enfin, dans une dernière partie, il présentera la façon dont cette affirmation a influé sur la définition d’une historiographie inspirée de Gramsci qui focalise son attention sur les phénomènes de reclassement des formes politiques qui suivent la crise de la période libérale.

Gramsci dans l’histoire d’Italie : la politique culturelle communiste et la tradition nationale des intellectuels

La présentation de Gramsci au public italien est liée inextricablement à la politique culturelle du PCI (Parti Communiste Italien) et au rôle de Palmiro Togliatti[1] qui a popularisé les écrits de Gramsci à travers la publication des Lettres de prison et l’édition thématique des Cahiers de prison. L’opération qui introduit Gramsci dans la culture italienne est voulue par Togliatti dans le but de renforcer la stratégie du PCI comme parti « de masse et respectueux de la Constitution démocratique, un parti national, avant d’être internationaliste, non seulement communiste mais aussi italien »[2] et d'éviter ainsi des tendances centrifuges pro-soviétiques de la politique culturelle du parti. La politique culturelle communiste, sous la direction de l’historien Emilio Sereni, se caractérise par l’adhésion au jdanovisme, porteur d’une conception subalterne et platement organique des intellectuels[3]. L’orientation de Togliatti, plus complexe et ouverte, s’adresse à une nouvelle génération de savants qui tentent à l'unisson de s’opposer à la tradition idéaliste[4], très diffuse parmi les intellectuels italiens.

Gramsci est un point de repère essentiel pour cette tentative d’imaginer une histoire politique dans un pays où Benedetto Croce exerce son hégémonie sur l’historiographie politique. La confrontation avec Croce suit deux directions. La première direction correspond à la tentative de renouveler les thèmes de recherche de l’historiographie politique en se tournant vers l’étude des classes subalternes, selon une approche qui s’inspire du marxisme et qui aurait été impensable sans le contact avec une réalité historique explosive comme l’émergence, après vingt ans de fascisme, de formes organisées de lutte de classe[5]. La seconde direction concerne l’historiographie du fascisme, que Benedetto Croce a fondée sur le critère selon lequel ce phénomène politique aurait constitué une parenthèse dans l’histoire italienne[6].

La première présentation thématique de Gramsci est utilisée pour mettre en évidence une interprétation du fascisme alternative à celle de Croce, car elle situe les origines de ce phénomène dans la formation de l’état unitaire en Italie, dans les idées arriérées de sa classe dirigeante et dans le retard de son modèle économique. Cette interprétation absorbe le paradigme interprétatif proposé par le libéralisme italien plus progressiste sur le fascisme et qui le considère comme une révélation autobiographique de l’histoire nationale[7]. Cette lecture du fascisme a également une utilité politique pour le PCI et elle sert à enlever tout alibi à une classe dirigeante, libérale, exemptée de toute responsabilité dans le paradigme de la parenthèse introduit par Croce[8].

L’opposition Croce-Gramsci est toutefois relative. La popularisation de la pensée gramscienne attribue à l'homme politique communiste un rôle totalement interne à l’histoire nationale et, de manière plus spécifique, à l’histoire de l’intellectualité humaniste nationale à laquelle Croce appartient aussi[9]. Au contraire, dans cette première diffusion de la pensée gramscienne, les réflexions sur l’américanisme et le fordisme présentes dans les Cahiers de prison, qui placent Gramsci dans un tas de problèmes ne se limitant pas à l’histoire italienne, sont présentées comme anachroniques par les communistes mêmes[10], aussi parce que ces notes auraient pu difficilement se concilier avec la représentation paupériste du capitalisme italien promue par le PCI et le mouvement communiste international dans les années les plus sombres de la guerre froide.

Avec les années 1956-1958 commence une période caractérisée par une plus grande autonomie accordée par le parti au travail d’organisation culturelle[11]. Le changement concerne également la façon dont la culture communiste se positionne par rapport à Gramsci.

La stratégie de Togliatti en direction des intellectuels atteint son objectif principal : préserver une difficile spécificité italienne dans une période où la marge d’autonomie par rapport au communisme soviétique est plus restreinte[12]. Cependant, cette stratégie entre en crise face au processus de transformation de la société italienne. Le miracolo economico devient un phénomène difficile, voire impossible à comprendre avec les instruments exclusifs d’une culture humaniste[13]. À la fin des années cinquante réapparaît donc ce qui a été défini comme « le problème Gramsci », « le problème d’une nouvelle interprétation qui le libère du lien trop étroit avec l’historicisme néo-hégélien »[14].

Les premiers signes allant dans ce sens sont perceptibles durant le colloque de 1958 qui, à travers la présentation des études consacrées à Gramsci, inaugure une série d’initiatives commémoratives de la mort de l’homme politique communiste. À cette occasion, Togliatti propose une lecture de Gramsci intrinsèque à l’histoire du communisme international[15]. En outre, la revue Studi storici voit le jour en 1959 et sa direction est confiée à Gastone Manacorda. Bien qu'elle soit soutenue par le PCI, cette revue n'est pas limitée par l'orientation du parti et constitue un point de ralliement de l'historiographie gramscienne.

La tentative de proposer une nouvelle lecture de Gramsci répond aussi à la naissance de nouveaux pôles d’attraction dans le monde du marxisme italien après la crise de 1956[16]. Néanmoins, l’appropriation de la pensée gramscienne/Gramsci dans le débat historiographique, ne se ressent pas de cette nouveauté, et va jusqu’à se fonder sur de véritables méprises à propos de son œuvre, dont l’effet le plus durable se remarque dans la polémique historiographique sur le Risorgimento et l’unification nationale italienne.

Rosario Romeo, un des historiens italiens les plus importants du vingtième siècle, sollicite un débat polémique avec Emilio Sereni. La controverse animée par ces deux interlocuteurs devient « un des rares moments de confrontation critique de toute la culture politique italienne autour de l’œuvre de Gramsci »[17]. Dans ce débat, les positions libérales défendues par Romeo[18], se fondent sur l’attribution à Gramsci d’une lecture du Risorgimento comme « révolution agraire manquée », expression qui, cependant, n’est jamais utilisé dans Quaderni[19].

Dans cette polémique, l’accent est mis sur le retard de la bourgeoisie italienne. Romeo est soutenu en cela par la tentative communiste de présenter Gramsci comme le point de repère pour une proposition historiographique qui interprète l’histoire italienne comme une longue continuité nationale placée sous le signe de ce retard historique. L'historiographie gramscienne pointe le doigt sur l’usage désinvolte que Romeo fait de ses écrits ; en particulier, elle lui reproche de sous-estimer l'analyse sélective menée par Gramsci sur les caractéristiques respectives des bourgeoisies nationales italiennes et françaises. Gramsci part de cette analyse pour démontrer que la faiblesse de la « traductibilité » d'un modèle jacobin, en Italie, l'emporte sur l'échec d'une impossible révolution bourgeoise[20].

La tentative de rénover l’œuvre de Gramsci est perfectionnée par Togliatti dans la dernière phase de sa vie. La présentation que le secrétaire du PCI effectue à Turin le 13 avril 1962, sur les Classi popolari nel Risorgimento[21], vise à démontrer le manque de fondement de l’interprétation du Risorgimento comme révolution agraire manquée. Le Togliatti des derniers temps[22] est allé, désormais, bien au-delà des interprétations des années cinquante[23].

Cependant, l’héritage de Gramsci demeure un champ privilégié dans la polémique politique nationale, surtout dans le monde bigarré du marxisme italien. Vers la fin des années cinquante, les écrits de Gramsci immédiatement successifs à la révolution bolchevique sont utilisés par plusieurs intellectuels d’extrême gauche pour contester la stratégie politique du PCI[24]. En revanche dans les années soixante l’homogénéité entre Gramsci et Togliatti est acceptée par l’historiographie de gauche qui critique le PCI – comme dans le cas de la Rivista storica del socialismo. Cette opération a pour but de revaloriser des protagonistes du mouvement ouvrier dans lesquels on cherche les origines théoriques d’une idéologie fondée sur la suprématie absolue de la classe ouvrière et étrangère à la tradition gramscienne[25].

L’originalité théorique de Gramsci est sacrifiée, comme le démontrent également les journées d'étude qui se déroulent à Cagliari en 1967, à l’occasion du trentième anniversaire de sa mort. Gramsci est encore enfermé dans l’image traditionnelle du grand italien, il est encore lu à travers le prisme d’une élaboration des facteurs de la modernité (État et société civile, structure et superstructure) fondée sur leur opposition[26]. La présentation historiographique de ces journées d'étude, confiée à Giuseppe Galasso, confirme que l’attention de l’historiographie pour Gramsci est totalement interne à l’histoire italienne et au thème du Risorgimento[27].

Cependant, au cours des années 60, on assiste à l'émergence d'une nouvelle génération d'intellectuels qui contestent la réduction du rôle de Gramsci à celui de théoricien d'un historicisme évolutif étranger au problème de la révolution[28]. Le débat historiographique évolue dans ce nouveau contexte générationnel pour se déplacer sur le terrain du rapport entre la théorie et la biographie de l'homme politique communiste[29].

Parmi les travaux les plus importants, en termes de débat historiographique, figure l’introduction de Franco De Felice et Valentino Parlato aux écrits de Gramsci sur le problème méridional. Cette introduction formule une interprétation novatrice des notes de Gramsci sur l'Italie méridionale en dépassant le paradigme qui les avait considérées comme l’approche critique de la question méridionale, les positionnant ainsi dans une tradition intellectuelle purement italienne[30]. Gramsci considère la première guerre mondiale et la révolution bolchevique comme les évènements décisifs de la formulation du problème de l'Italie méridionale : il est fait référence évidemment à des thématiques historiques qui sortent du cadre strict de l'histoire nationale et du thème traditionnel de l'Italie méridionale[31]. Selon les auteurs de cette introduction, les événements décisifs pour la formulation du problème méridional chez Gramsci, se situent durant la Première Guerre mondiale et la révolution bolchevique : il n'est pas fait allusion à des thématiques propres à l'histoire nationale italienne. Le premier conflit mondial et la révolution en Russie rendent explicite un processus d'introduction des masses dans l'histoire, dont le libéralisme italien n'est pas en mesure de saisir la portée[32]. Selon Gramsci, les protagonistes de la lutte pour la résolution du problème de l'Italie méridionale « ne sont plus le savant et le technicien, le patron éclairé ou l’administrateur honnête, mais les ouvriers révolutionnaires de Turin et Milan et la classe paysanne »[33].

Gramsci est désormais répertorié historiquement dans les événements du communisme national et international. En effet, ses notes sur la question méridionale marquent l'éclipse du parti guidé par Amadeo Bordiga, fondé sur son ouvriérisme absolu, et posent la question de la construction du bloc historique comme base de la stratégie dominante des communistes en Italie[34].

On distingue deux catégories d'interlocuteurs des notes de Gramsci : les exposants du méridionalisme classique, une formation intellectuelle élitiste incapable de comprendre l’effet explosif exercé par l'introduction des masses dans l'histoire, et ceux de la tradition communiste fondée sur la position centrale de la classe ouvrière, et de ce fait, peu ou pas sensible à l'existence d'autres groupes sociaux avec lesquels établir une stratégie d’alliances.

L’attention de Franco De Felice et Valentino Parlato se focalise sur le thème de l'hégémonie et sur la redéfinition de la morphologie de l'État dans la crise de l'organisation étatique libérale. Ce modèle d'interprétation, qui sera contesté dans la critique de l'idéologie du méridionalisme proposée par les historiens sensibles à l'ouvriérisme italien[35], introduit une lecture de Gramsci focalisée sur le vingtième siècle. Cette approche est éloignée du débat historiographique qui prédomine dans l’Italie des années soixante, et qui est centré sur le dualisme entre le Nord et le Sud de l’Italie à l'époque post-unitaire : ce débat est influencé par une conception positiviste de l'histoire car il subordonne à l'écart économique et quantitatif l'étude des « rapports sociaux et politiques qui en sont la véritable cause déterminante »[36].

Les notes sur le problème méridional conduisent les responsables de l’édition à reconnaître en Gramsci un point de repère plausible pour une nouvelle historiographie politique, contraire à la réduction élitiste de l'histoire politique, mais distincte également de l’approche platement matérialiste de l'historiographie marxiste très diffuse. L’apparition de cette historiographie dans le débat italien se produira au cours des années soixante-dix, et correspond à l’affirmation d'une nouvelle approche théorique sur Gramsci.

Gramsci dans l’histoire du vingtième siècle : le dépassement de l’opposition entre intellectuels et politique

La monographie de Leonardo Paggi sur Gramsci et le prince moderne est un moment central dans la nouvelle période des études gramsciennes. Gramsci est considéré comme « partie intégrante d'un mouvement en développement » car l'histoire dans laquelle il est placé est celle, double et ambivalente, du mouvement ouvrier international et de la redéfinition de l’hégémonie bourgeoise. L’originalité de Gramsci et du communisme italien est ramenée à la capacité d'analyser ces phénomènes en ayant recours à la méthode de l'analyse sélective.

La lecture sélective (ou analyse différenciée) se distingue de celle proposée par l’Internationale communiste imposée par Staline et fournit à Gramsci un statut indépendant dans l'histoire des intellectuels marxistes. La théorie gramscienne se distingue des approches qui tendent à réduire « le caractère pluridimensionnel de la société civile à l’idéologie »[37]. Pour cette raison, la pensée de Gramsci est distincte, dans le texte de Paggi, du marxisme d'Althusser.

L'essai de Paggi et celui de Franco De Felice sur Serrati, Bordiga, Gramsci et le problème de la révolution, fournissent les éléments d'une lecture de Gramsci pour qui le concept d'interdépendance comme mécanisme de fonctionnement des facteurs historiques est fondamental : dans les dynamiques historiques, le rapport entre passé et présent est interdépendant ; c'est ainsi que la relation entre la politique et l'économie tout comme entre l'État et la société civile doit être vue à la lumière d'un rapport d'interdépendance. Le rapport entre ces couples thématiques, spécifiques de la modernité, est revisité sur un ton ni dualiste ni moniste et qui évite les concepts d'autonomie et d'hétéronomie des phénomènes historiques.

Le nouveau paradigme, amorcé dans les essais de Paggi et de Franco De Felice, se renforce avec l'interprétation de Gramsci proposée par Giuseppe Vacca. Cet intellectuel communiste approfondit le thème de la nature de la révolution dans la pensée gramscienne. Vacca déplace ultérieurement l'attention des études sur Gramsci sur le problème de l'État[38] et, surtout, développe une lecture en parallèle de Gramsci et de Togliatti à la lumière de Cours sur les adversaires[39], où la modernité du fascisme est saisie en premier lieu dans sa dimension de masse : une lecture, bien évidemment, opposée à l'interprétation strictement « économiste » de ce phénomène politique favorable à une dictature pure et simple du capital.

Le lien théorie/praxis caractérise tous les travaux novateurs de cette période. Il est développé et radicalisé par Nicola Badaloni qui restitue Gramsci à travers Sorel. Badaloni accentue l'opposition entre Gramsci et Togliatti[40] qui est, en revanche, diminuée dans l’interprétation de Vacca. Le rapport théorie/praxis est également fondamental dans la contribution de Christine Buci-Glucksmann sur Gramsci et l'État.

Dans ce cas également, une représentation ni moniste ni dualiste de la réalité historique au sein de la pensée marxiste est récupérée à travers Gramsci. L'hégémonie, qui est le principe central de la théorie de Gramsci selon Buci-Glucksmann, se construit par la médiation survenue « dans et à travers » les appareils hégémoniques (école, information, formation des mœurs etc.), et pas à l'extérieur.

Buci-Glucksmann essaie évidemment de lire Gramsci à travers Althusser[41] et force les points de contact entre les deux. Mais elle apporte une contribution convergente vers une lecture de Gramsci, et à travers le Gramsci du vingtième siècle, caractérisée par la redéfinition du rapport entre hégémonie bourgeoise et mouvement ouvrier qui ne considère pas la première comme une simple coercition que les communistes auraient dû remplacer par un endoctrinement tout aussi simpliste[42]. Chez Gramsci, le diptyque américanisme/fordisme est primordial précisément parce qu'il illustre cette lecture non dualiste du réel, notamment en élidant les oppositions artificielles entre structure et superstructure, entre méthode de travail et mode de vie[43].

Dans les années soixante-dix ces paradigmes novateurs sont contestés, par les interprétations qui identifient chez Gramsci un théoricien de l'opposition entre politique et société civile. Gramsci est inséré, dans ce cas, dans le modèle du communisme soviétique et est lu à la lumière du principe de dépendance entre les facteurs historiques de la modernité (politique/économie, État/société civile)[44]. Un autre filon d'études sur Gramsci récupère de l’interprétation proposée par Norberto Bobbio dans les années soixante, la lecture du rapport entre société civile et société politique selon la suprématie superstructurelle de l’idéologie et des intellectuels[45], tandis que l’attention s'étend à l'homme politique communiste dans le domaine catholique[46].

La lecture de Gramsci comme théoricien de l’antagonisme dualiste entre l'État et la société civile se répète aussi dans la tradition de l’ouvriérisme italien[47], bien qu'en son sein se développeront des clés de lecture moins limitées par rapport à la réduction de l'homme politique à un projet pédagogique[48] chez Gramsci. Le cercle d'intellectuels qui militent dans le PCI est le lieu où ce paradigme est radicalisé. Le débat est ouvert par Bobbio qui, renversant ce qu'il avait écrit sur Gramsci dans les années soixante, attribue à sa théorie un contenu totalement structurel fondé sur la domination du politique sur la pluralité sociale.

Les intellectuels socialistes soulignent l’homogénéité entre Gramsci et Lénine et attribuent au concept d'hégémonie une valeur explicitement pédagogique et autoritaire. Ernesto Galli della Loggia, un des protagonistes les plus influents du débat, présente Gramsci comme un intellectuel méridional incapable de comprendre la complexité de la démocratie capitaliste de masse[49] : encore une fois l'homme politique communiste est enfermé dans la cage de l’intellectuel national que les études gramsciennes les plus novatrices avaient tenté de démonter[50].

Gramsci et les interprétations de sa pensée sont à nouveau, en supposant qu'ils aient cessé de l'être, l'objet d'une querelle politique sur le rôle et, dans ce cas, sur la fiabilité des communistes dans un système politique démocratique. La polémique socialiste peut être lue dans cette optique où intervient également la redécouverte de Gramsci effectuée par une nouvelle génération d'intellectuels communistes. La théorie gramscienne est aussi révisée pour trouver un point de repère potentiel afin de se doter d'une théorie de l'État qui, parvenu au gouvernement du pays avec les gouvernements de solidarité nationale, arrive à refléter la pluralité de la société italienne à l'intérieur des formes de la démocratie parlementaire[51] et à dépasser progressivement ce modèle de démocratie[52].

L’utilité politique de Gramsci, qui est intimement liée à la nature de sa théorie, ne correspond pas automatiquement à son emploi instrumental, quoi que ce risque soit toujours dominant dans les interprétations dictées de façon plus contraignante par la contingence. C'est l’intérêt politique pour la pensée de Gramsci qui en récupère la fécondité heuristique et c'est à travers ce canal de redécouverte que Gramsci devient aussi un instrument vivant de connaissance focalisé sur la modernité comme problème historique.

Éléments d’une historiographie de Gramsci. Le vingtième siècle à travers Gramsci

 Dans le domaine de l'historiographie, l’interprète le plus intéressant du nouveau paradigme gramscien est Franco De Felice qui, avec son essai Serrati, Bordiga, Gramsci e il problema della rivoluzione, poursuit un parcours de recherches sur les traditions révolutionnaires italiennes. Il les analyse en les mettant en relation étroite avec la conception du temps historique dont elles sont porteuses. En termes plus familiers au débat historiographique, l’argument sollicité est le lien qui réunit la continuité et la discontinuité (le passé et le présent) dans l'histoire. Le thème est défini en ayant recours à trois personnalités centrales dans l'histoire du socialisme et du communisme italiens, Giacinto Menotti Serrati, Amadeo Bordiga et Antonio Gramsci, qui incarnent à leur tour trois visions différentes du politique.

La conception du temps historique de Serrati est mécaniquement linéaire, comme l'indique la façon dont il équilibre le passé et le présent, en subordonnant le second des deux éléments au premier[53] et cela l'amène à sous-évaluer les phénomènes de discontinuité historique – entre tous, la révolution bolchévique – survenus dans des zones de sous-développement par rapport au modèle de l’Europe occidentale. Serrati est l'expression typique d'une conception dualiste du réel : la relation entre le parti et les masses, entre la politique et l'économie, ou encore entre des zones territoriales développées ou pas, est dualiste tout comme la conception du temps historique. Bordiga, au contraire, incarne une culture de la révolution où cette dernière est l'immanence du temps présent, fondée sur l'effondrement du capitalisme et, par conséquent, sur l'élimination d'un passé historique. L’absence de références, chez Bordiga, à la façon dont se prépare la prise du pouvoir, introduit une scission entre l'avant et l'après et refuse la conception de la révolution comme processus en la reléguant dans une sphère assez indistincte où le seul élément certain est sa résolution en termes militaires.

Gramsci renverse bon nombre des caractères distinctifs de Serrati et Bordiga. Le couple thématique continuité/discontinuité (passé et présent) est décliné de façon originale à travers le rapport entre révolution et tradition. Le dyptique État/révolution permet de décliner le second des deux termes sous la forme de processus. La révolution comme processus ne résout pas le passé dans le présent absolu de l’acte révolutionnaire : l'État est la tradition avec laquelle se confronter et cette tradition ne peut être dépassée par l'annulation de l’État même.

L'essai de Franco De Felice analyse un Gramsci encore immature, dont la conception conseilliste du socialisme est encore marquée par un économisme dont il deviendra un critique sévère. Mais dans son œuvre se dégage déjà une interprétation de Gramsci fondée sur l’élaboration non-antagoniste du rapport entre quelques-uns des couples thématiques fondamentaux qui marquent l'histoire du vingtième siècle : continuité/discontinuité ; développement/retard ; tradition/révolution ; parti/masses ; politique/économie. De plus, la pensée de Gramsci est constitutionnellement axée sur la contemporanéité, notamment parce qu'elle conduit à une conception du vingtième siècle basée sur la cohabitation simultanée des temps historiques (contemporains entre eux). Franco De Felice observe que, si l'on suit « un raisonnement dialectique classique, il suffit de penser à Marx de la Misère de la philosophie », chez Gramsci « le retard a une connotation progressive, révolutionnaire »[54].

Cette première contribution esquisse sans les développer les éléments distinctifs d'une proposition historiographique gramscienne. Un passage évolutif est représenté par l’article Una chiave di lettura in « Americanismo e fordismo », publié dans Rinascita du 27 octobre 1972. L’intervention reconstruit les caractères de la divulgation de Gramsci en Italie avec l’objectif de sensibiliser le type d'intellectuel « “isolé” et humaniste […] au prix d'une rupture de l’unité de réflexion de Gramsci entre théorie et politique »[55]. L’opération réduit les potentialités heuristiques de Gramsci, qui sont partiellement réactivées seulement grâce à l'intervention précédemment citée de Togliatti au congrès de 1958. Cette intervention est un préambule indispensable pour une lecture des Quaderni où l’accent soit mis […] sur l’unité d'inspiration et de thématique, repérant dans la réflexion sur l’État et la révolution et dans l'expérience nationale et internationale de Gramsci le référent générationnel de toutes ses notes écrites en prison.

La récupération de la dimension internationale du point de vue de Gramsci s'oriente dans deux directions, car elle focalise tant le moment de la révolution active que celui de la révolution passive. Les Cahiers de prison sont :

« le point d'ancrage d'une expérience collective du mouvement ouvrier italien, filtre d'une expérience internationale comme la Révolution d’octobre et le léninisme, dans un contexte particulier qui a vu la fin de l’époque libérale et l’affirmation du fascisme en tant qu’hypothèse d'organisation générale de la société poursuivie sur la base d'une même formation économique et sociale »[56].

Le binôme américanisme/fordisme est utile pour élaborer un phénomène plus vaste de redéfinition de l’hégémonie bourgeoise, qui se réalise après la crise de la période libérale et la naissance du communisme comme phénomène globale. L’article établit une correspondance entre ce binôme et d'autres formes de redéfinition de l’hégémonie bourgeoise, parmi lesquelles le fascisme, mais l’analogie ne se traduit pas directement en équivalence.

Gramsci repère dans le fascisme un phénomène de classe sans le réduire « au niveau purement économique, corporatif, de défense (groupes de choc fascistes, réaction armée) »[57] de l’hégémonie bourgeoise et sans arriver à l’équivalence forcée fascisme/capitalisme. L'homme politique communiste fonde une tradition d'interprétation de la modernité qui se développe en alternative au marxisme francfortais en ce qui concerne le débat, plus profond, sur les formes du capital et qui, dans le cas plus circonscrit de l'Italie, conteste les positions historiographiques bien plus frustes proposées par le soi-disant antifascisme militant.

La lecture du fascisme de Gramsci fonctionne surtout en termes de comparaison historiographique. Le paradigme, en réalité, est utilisé pour contester l’importation du premier volume de la Storia d’Italia publié par la maison d'édition Einaudi, qui reflète la tendance à provincialiser le fascisme en le présentant comme le résultat d'un retard économique italien atavique, dont la première résolution partielle remonte au développement économique des années cinquante et soixante du vingtième siècle[58]. Le retard historiographique est aussi attribué à l'historiographie communiste qui, sur le thème du fascisme, a la réputation de s'être immobilisée sur les œuvres de Gramsci et de Togliatti, au point que le Corso sugli avversari de Togliatti est jugé comme un évènement historiographique et politique d'une importance exceptionnelle aux implications qui ne sont pas complètement déployées ».

La réflexion sur l'historiographie à travers Gramsci est approfondie au cours des années soixante-dix sur le thème spécifique des formes de la modernité au vingtième siècle, fascisme compris. La première caractéristique de cette vision est le refus de la neutralité comme critère d'orientation de la recherche. Ce refus ne se limite pas au cas de l'historiographie communiste, il s'agit d'une condition nécessaire étendue à chaque modèle historiographique et qui considère donc les intellectuels, indépendamment de leurs affirmations de neutralité, comme l'expression d'une interprétation politique de la réalité.

Ces thèmes sont développés en octobre 1975 dans le Relazione sulla ricerca storica in Italia nel secondo dopoguerra. Ce rapport introduit les approches historiographiques prédominantes en Italie, qui composent un cadre hétérogène, bien que des tendances communes aient été définies, parmi lesquelles la plus importante est le dépassement de l'historiographie politique en faveur de l'historiographie sociale.

Les canaux à travers lesquels se produit cette dynamique sont différenciés. Le premier canal, jugé de façon plus critique, réside dans l'historiographie qui oppose historiographie sociale et politique, en étroite relation avec une interprétation du réel où « le moment de l’organisation politique est négatif, même si cette négativité se rapporte à des formes historiquement déterminées d'organisation politique »[59]. Les origines de ce modèle sont identifiées directement dans une culture politique nationale, l’actionnisme (republicanisme radical), originairement expression de la bourgeoisie italienne de tendance libérale et progressiste. Ce sont des historiens provenant de cette sphère plurielle qui, dans les années soixante-dix, se déplacent de façon plus marquée à gauche, récupérant ainsi les instances de l’antifascisme militant à l'intérieur d'un discours historiographique.

Le second canal d'affirmation de l'historiographie sociale est la revue Quaderni storici, or ce canal se place à un niveau bien plus complexe que le modèle précédent. Quaderni storici dégage le problème de la temporalité en dialoguant avec l'historiographie des « Annales », de sorte qu'il interprète « les changements » comme « le résultat de longues périodes » et la société comme une structure « au fond beaucoup plus statique que ce que certains changements peuvent faire croire »[60]. L’idée de temporalité dégagée est différente de celle attribuée à Gramsci dans la sphère intellectuelle dont Franco De Felice est le porteur.

La longue continuité élide la distinction entre modernité et contemporanéité et dilue le potentiel de fracture constitué par l’expansion du capitalisme et par la naissance des grandes révolutions, politiques et économiques, qui marquent la contemporanéité.

Le succès d'une historiographie sociale rigidement ancrée dans cette conception de la temporalité aurait rendu difficile l'étude de phénomènes historiques du vingtième siècle comme l’ascension du mouvement ouvrier et le fascisme. Ce domaine reste, en réalité, le terrain privilégié de l'historiographie politique.

L'historiographie politique est analysée en faisant référence, principalement, à la revue Histoire contemporaine qui, dans les années soixante-dix, fournit des contributions fondamentales à l'étude du fascisme. La limite principale attribuée à ce modèle historiographique est sa réduction de l'histoire à l'événement. Cela nous reporte à la conception de Gramsci du noyau de l'histoire comme histoire politique, ce qui est le refus de fonder l'historiographie comme discipline indépendante de la politique ou comme technique de la reconstruction historique.

Franco De Felice radicalise le caractère factuel de ce modèle historiographique, que ses interprètes les plus importants ne relient pas à un principe de neutralité mais au rejet de toute vision de la recherche historique fondée sur une philosophie de l'histoire[61]. Cependant, l'historien gramscien, repère bien la référence intellectuelle et historique de ce modèle dans l'expansion des sciences sociales et « des forces de production entre la fin des années 50 et le début des années 60 »[62]. La lecture de Franco De Felice est très claire car elle fait émerger des caractéristiques de ce modèle qui seront explicitement reconnues par ses interprètes tant au regard de la connexion entre historiographie et sciences sociales[63], qu'au sujet de l’idée que la grande transformation et le thème de la modernisation constituent la base historique et politique de ces études sur le fascisme[64].

La comparaison avec ce modèle historiographique se concentre sur l’encadrement spatial du fascisme et se limite, principalement, à la définition des orientations de recherche de son principal inspirateur, Renzo De Felice, le plus important historien italien spécialiste du fascisme. Ce dernier considère ce phénomène comme un élément de diversité italienne au nombre des modèles politiques nés avec la fin de la période libérale. Cette propension à la différenciation des phénomènes historiques est une conséquence de l’appartenance idéale à l'école de l'historicisme italien[65], sphère culturelle avec laquelle les interprètes de Gramsci développent une relation complexe sur laquelle il faut s'arrêter.

Le rapport entre ces modèles n'est pas antagoniste, vu qu'ils partagent la primauté de l'histoire politique, le critère de l’analyse différenciée des phénomènes historiques[66] et une conception du temps basée sur l’interdépendance non paritaire, car déséquilibrée sur le second des deux termes, entre continuité et discontinuité[67].

Toutefois, l'historiographie gramscienne se distingue de cet historicisme pour plusieurs raisons, parmi lesquelles deux au moins sont fondamentales : premièrement, la centralité du conflit hégémonique entre le mouvement ouvrier et la bourgeoisie ; et deuxièmement, la déclinaison du rapport national/international qui accentue la dimension transnationale de l'histoire politique du vingtième siècle. La crise de la période libérale, pour le modèle historiographique récupéré à travers cette lecture de Gramsci, constitue la condition de base sur laquelle se fondent des formes politiques qui ne se ressemblent pas du tout, mais qui peuvent être analysées à la lumière du principe de la traductibilité des phénomènes historiques. Renzo De Felice, au contraire, oscille entre le rejet pur et simple de catégories transnationales lourdes, comme le démontre son rapport tourmenté avec la catégorie de totalitarisme[68], et une lecture du rapport entre démocraties et totalitarismes qui, se rapportant à Richard Löwenthal[69], lie le rapport entre eux sous un angle de vue exclusivement antagoniste[70].

L’approche de Renzo De Felice est comparative. L'historiographie communiste dérivant de Gramsci juge la méthode comparative inadéquate parce qu'elle met en relation étroite la contemporanéité et la mondialisation des phénomènes politiques[71]. Cependant, cette historiographie communiste ne parvient pas à produire, dans les années soixante-dix, des résultats exploitables dans la comparaison avec la méthode comparative sur le thème fondamental du fascisme. La revue de référence pour les historiens communistes, Studi Storici, est définie, au cours du séminaire tenu par Franco De Felice, « de moins en moins incisive pour déterminer les orientations et les thématiques de l'historiographie italienne »[72].

Le rapport cité contient, implicitement, un programme de travail pour une approche de l'histoire selon Gramsci non subalterne par rapport aux tendances historiographiques dominantes. Les axes de cette historiographie se fondent sur une conception non dualiste du temps historique et des facteurs constitutifs de la contemporanéité. Le rapport entre les facteurs historiques est interdépendant et l’interdépendance n'est pas équilibrée parce qu'elle est orientée par la prépondérance de certains facteurs sur d'autres. Ces coordonnées générales pour une approche historiographique gramscienne orientent la recherche sur les deux thèmes fondateurs de la contemporanéité : l’irruption révolutionnaire des masses dans l'histoire et la redéfinition de l’hégémonie bourgeoise en réponse à cette émergence.

Le second thème occupe, durant la seconde moitié des années soixante-dix, une place de plus en plus grande, orientant l'ensemble des intellectuels gramsciens vers l'étude des formes historiques prises par les révolutions passives dans les années trente et de la façon dont l’affirmation de ces formes historiques influence le dialogue entre les communistes et d'autres cultures politiques présentes au sein du monde hétérogène de l’antifascisme[73].

Le recentrage sur la modernité et le vingtième siècle unit aussi les rapports à caractère historique présentés au cours du congrès intitulé Politica e storia in Gramsci, qui s'était déroulé à Florence en 1977. L’antidualisme de Gramsci apparaît comme le point de départ pour comprendre l'homme politique communiste. Gramsci, comme l'observe Eric J. Hobsbawm, soulève le problème « peu ressenti par les marxistes […] de la façon dont la révolution est en même temps la négation et l'accomplissement de l'histoire d'un peuple »[74].

La tradition qui a été inaugurée dans les années soixante-dix confirme ses points cardinaux : Gramsci peut être lu dans son temps historique, en acceptant le caractère indissoluble du lien entre philosophie et praxis et par conséquent, en refusant le dualisme entre ces deux termes. La reconduction de Gramsci à l'histoire plus vaste à laquelle il appartient, permet de le libérer d'une tradition restreinte pour en tirer une référence heuristique utile pour aborder des thèmes qui ne se limitent pas exclusivement à l'histoire d'une seule nation[75] ou à l'histoire du mouvement ouvrier, comme l'indique la position centrale que la catégorie de révolution passive occupe dans le congrès.

Le rapport de Franco De Felice s'arrête sur cette dernière catégorie pour en résumer les caractères fondamentaux en ces termes : « transformations moléculaires des forces en présence ; absorption et décapitation de l’antagonisme par des groupes dominants qui, de cette façon, développent une initiative hégémonique ; insuffisance et incohérence de la conscience historique de soi et de l’adversaire de la force antagoniste »[76].

La révolution passive est un schéma d'interprétation pour des formes du politique (américanisme/fordisme, fascisme, totalitarisme) nées dans une phase historique commune. La recherche d'un principe de traductibilité pour une catégorie générale confirme que les phénomènes historiques contemporains sont lus dans le lien d'interdépendance entre national et international. L’interdépendance n'est pas paritaire car l'élément qui caractérise la contemporanéité est l'internationalisation progressive de sociétés et des économies nationales.

La crise de l'État-nation comme sujet de la souveraineté politique permet de transposer le concept de révolution passive, initialement utilisé pour le cas isolé de la révolution napolitaine de 1799, dans un espace transnational. Le fascisme est ainsi interprété comme « “solution” italienne à la crise de l'après-guerre », une solution qui « ne peut pas être dissociée de l'appropriation d'un processus international »[77] et qui entre dans le vif du sujet avec la crise de 1929 où l'on entrevoit le point de rupture de l’interprétation du fascisme élaborée dans les Cahiers de prison[78].

Le fascisme est un des modèles de redéfinition de l’hégémonie bourgeoise et la politique corporative du régime est l’expression de la façon dont cette dynamique se développe en Italie[79]. La politique corporative, dans la sphère des intellectuels communistes, est interprétée comme l'étape d'un processus de transformation morphologique de l'espace public d’intervention de l'État. La pénétration fasciste entre le parti et l'État, en partant des rapports de travail, vise à « étendre le contrôle sur la société entière afin de garantir que tout le processus d'accumulation se fasse en fonction des groupes dominants »[80].

La voie italienne vers la révolution passive se produit sous la forme du contrôle institutionnalisé de la société, mais avec un intérêt de classe évident. L’approche gramscienne sur l’interprétation du fascisme se distingue, de cette façon, de la lecture de type économique du régime fondée sur l'« affirmation radicale de la subordination du fascisme aux raisons des groupes dirigeants de la bourgeoisie, ce qui a pour conséquence de vider de toute valeur et de tout rôle spécifique les formes politiques, qualifiées d'“épiphénomènes” », mais approfondit les objections soulevées par la perspective historiographique de Renzo De Felice, qui subordonne l’économie à la primauté de la politique[81].

Les interprétations du fascisme vers lesquelles on se tourne depuis lors avec une plus grande participation sont celles[82] de ceux qui établissent le lien étroit « entre la politique économique et le cycle du capitalisme international »[83], sans résoudre l'histoire du fascisme à l’autonomie de la politique ou à l’histoire de l’économie, comme cela semble se produire, respectivement, chez Renzo De Felice et dans l'historiographie de type communiste.

Conclusion

 Le caractère distinctif de la contemporanéité, que le fascisme reprend à sa façon, est la perte de séparation entre mode de production et mode de vie. Le binôme américanisme/fordisme représente le modèle hégémonique le plus puissant parmi ceux qui expriment cette jonction[84]. Le succès de ce modèle, à plus forte raison dans une théorie fondée sur le principe de la philosophie de la praxis, pose une série d'obstacles théoriques et politiques nouveaux. Dans le domaine des études historiques, ces thèmes conduisent à la définition sélective des formes de la contemporanéité.

L’élaboration historiographique gramscienne des années soixante-dix se concentre sur ces thèmes généraux et sur les couples de catégories national/international, continuité/discontinuité, passé/présent. Les couples thématiques sont déclinés selon un principe d'interdépendance non paritaire ou géométrique qui privilégie le second élément des couples (international, discontinuité, présent), comme élément constitutif de la modernité, et qui définit, sans le déterminer, le domaine de possibilité au sein duquel le premier élément agit (national, continuité, passé).

La fin des années soixante-dix ouvre, pour les études sur Gramsci en Italie, une période difficile, influencée par la crise du PCI. En outre, le modèle identifié, bien que ne faisant pas de recours déterministe à une philosophie de l'histoire, aborde cependant la recherche à partir de thèses interprétatives enracinées. Pour cette raison, il a subi une période de l'histoire des sciences humaines où la polémique contre les formes nomothétiques d'historiographie a facilité le fondement, paradoxal, du statut épistémique de l'historiographie comme discipline idiographique.

Au cours des années quatre-vingts, le parcours historiographique analysé s'étend au-delà de Gramsci pour redécouvrir l'historiographie des Annales, en référence à la première période de cette expérience, et l'historiographie allemande sur le double État. Le croisement avec ce second modèle historiographique est plus profitable et durable, tandis que l'œuvre de Gramsci demeure un point de départ méthodologique, mais dans un contexte où l'on remarque son insuffisance face à des phénomènes posthumes de la contemporanéité, comme par exemple la naissance de l'État social.

Les catégories de fond de la théorie de Gramsci, épurées de tout déterminisme historiographique, demeurent un point de repère pour une tradition historiographique italienne qui poursuit, par rapport aux années soixante-dix, le processus de redéfinition de l'historiographie politique. Dans cette tradition, la référence au principe d'interdépendance entre national et international comme point de départ pour interpréter l'histoire des phénomènes politiques du vingtième siècle est approfondie, en allant de l’antifascisme des années trente à la refondation des démocraties euro-occidentales après la fin de la seconde guerre mondiale[85].

L’apport de la réflexion gramscienne identifiée ici ne se limite pas au terrain de l'historiographie. L’élaboration des catégories de Gramsci à l'intérieur d'une vision ni dualiste ni moniste de l'histoire, le caractère central du lien national/international et la reconduction de la théorie à la praxis, également biographique, chez Gramsci, sont des thèmes repris dans les études plus récentes qui lui sont consacrées, par exemple, dans celles qui traitent exclusivement le principe de la traductibilité/traducibilità des expériences historiques[86]. La relecture des Cahiers de prison à la lumière du caractère central dans sa mise en place du binôme américanisme/fordisme, à part quelques exceptions importantes[87], semble fournir encore aujourd'hui un point de repère valable pour fonder, à travers Gramsci, un modèle d'historiographie politique capable d'exprimer un apport original dans le débat historique sur le vingtième siècle.

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[1] Cfr. VACCA G., Appuntamenti con Gramsci, Roma, Carocci, 1999, pp. 107-149.

[2] CHIAROTTO F., Operazione Gramsci. Alla conquista degli intellettuali nell’Italia del dopoguerra, Milano, Mondadori, 2011, p. 49 ; Voir aussi Vittoria A., « Togliatti, la “ricerca oggettiva” e la politica della storia », in GUALTIERI R., SPAGNOLO C. et TAVIANI E. (dir.), Togliatti nel suo tempo, Roma, Carocci, 2007, pp. 58-59.

[3] Cf. VITTORIA A., « La commissione culturale del Pci dal 1948 al 1956 », in Studi storici, n°1, 1990, pp. 138-140 ; MANGONI L., Civiltà della crisi : Cultura e politica in Italia tra Otto e Novecento, Roma, Viella, 2013, pp. 361-367.

[4] Cfr. MANACORDA G, « recensione a Studi di storia di Delio Cantimori », in Studi storici, n°1, 1959-1960, pp. 158-168 ; MANGONI L., Civiltà della crisi, Op. cit., pp. 151-157 ; VITTORIA A., « La “ricerca oggettiva” : il rapporto fra la politica e la cultura per Gastone Manacorda. Introduzione al carteggio », in CANTIMORI D. et MANACORDA G., Amici per la storia. Lettere 1942-1966. A cura di Albertina Vittoria, Roma, Carocci., 2013, p. 25.

[5] Sur le marxisme et la critique de l’idéalisme cf. SWEEZY P. M., Il marxismo e il futuro, Torino, Einaudi, 1983, pp. 9-10.

[6] Cf. CROCE B., Per la nuova vita dell’Italia. Scritti e discorsi 1943-1944, Napoli, Ricciardi, 1944, pp. 55-56.

[7] Cf. De FELICE R., Il fascismo. Le interpretazioni dei contemporanei e degli storici, Roma-Bari, Laterza, 1998, p. 386.

[8] Cf. LIGUORI G., Gramsci conteso. Interpretazioni, dibattiti e polemiche (1922-2012), Roma, Editori Riuniti university press, 2012, pp. 55-62.

[9] Cf. CROCE B., « Lettere dal carcere di Antonio Gramsci », in Quaderni della Critica, Vol.3, n. 8, Roma, Università di Roma La Sapienza, 1947, pp. 86-88.

[10] Cf. PLATONE F., Prefazione ad A. Gramsci, Americanismo e fordismo, Milano, Universale economica, 1949, p. 15 ; LIGUORI G., Gramsci conteso, Op. Cit., pp. 65-66.

[11] Cf. VITTORIA A., L’attività dell’Istituto Gramsci (1957-1979), in LUSSANA F. et VITTORIA (dir.), Il « lavoro culturale », Roma, Carocci, 2000, pp. 137-138.

[12] VACCA G., « Togliatti e la storia d’Italia », in GUALTIERI R., SPAGNOLO C. et TAVIANI E. (dir.), Togliatti nel suo tempo, Op. Cit., pp. 6-8.

[13] Cf. LIGUORI G., Gramsci conteso. Interpretazioni, dibattiti e polemiche (1922-2012), Op. Cit., pp. 139-140.

[14] Cf. IZZO F., « I tre convegni gramsciani », in LUSSANA F. et VITTORIA (dir.), Il « lavoro culturale », Op. Cit., p. 221.

[15] Cf. TOGLIATTI P., « Il leninismo nel pensiero e nell’azione di Antonio Gramsci (Appunti) », in TOGLIATTI P. (dir.), Studi gramsciani, Atti del convegno tenuto a Roma nei giorni 11-13 gennaio 1958, Roma, Editori Riuniti, 1973 ; VACCA G., Gramsci e Togliatti, Roma, Editori Riuniti, 1991, p. XXXIII ; LIGUORI G., Gramsci contesto, Op. Cit., pp. 146-147.

[16] Cfr. BIDUSSA D., « La Biblioteca Feltrinelli dall’“accumulazione originaria” alla nascita degli “Annali” (1950-1959) », in Studi storici, vol. 40, n°4, 1999, pp. 945-991.

[17] LIGUORI G., Gramsci conteso, Op. Cit., p. 165.

[18] Cfr. ROMEO R., « La storiografia politica marxista », in Nord e Sud, n°21-22, Milano, 1956 ; ID., Risorgimento e capitalismo, Bari, Laterza, 1959.

[19] Cfr. VACCA G., « Gramsci interprete del Risorgimento : una presenza controversa (1949-1967) », in BINI A., DANIELE C. et PONS S. (dir.), Farsi italiani : La costruzione dell’idea di nazione nell’Italia repubblicana, Milano, Feltrinelli, 2011, pp. 80-105 ; GIASI F., « “Momenti di vita intensamente collettiva e unitaria”. A proposito di popolo e nazione in Gramsci », in Di GIACOMO M., GORI A., NENCIONI T. et SORGONÀ G., (dir.), Nazioni e narrazioni tra l’Italia e l’Europa, Roma, Aracne, 2013, pp. 63-65.

[20] Cf. ZANGHERI R., « La mancata rivoluzione agraria nel Risorgimento e i problemi economici dell’Unità », in Studi gramsciani, Op. Cit., pp. 369-383.

[21] Cf. TOGLIATTI P., « Le classi popolari nel Risorgimento », in Togliatti e il centro-sinistra, Firenze, CLUF, 1975, pp. 1080-1082.

[22] Cf. FERRATA G. et GALLO N. (dir.), Recension du texte : 2000 pagine di Gramsci, Milano, Il Saggiatore, 1964.

[23] Cf. VACCA G., Appuntamenti con Gramsci, Op. Cit., pp. 151-159.

[24] Cf. CARACCIOLO A. et SCALIA G. (dir.), La città futura : saggi sulla figura e il pensiero di Antonio Gramsci, Milano, Feltrinelli, 1959 ; LIGUORI G., Gramsci conteso, Op. Cit., pp. 156-159.

[25] Cf. ASOR ROSA A., Scrittori e popolo. Saggio sulla lettura populista in Italia, Roma, Samonà e Savelli, 1965.

[26] Cf. VACCA G., Appuntamenti con Gramsci, Op. Cit. pp. 159-164.

[27] Cf. GALASSO G., « Gramsci e i problemi della storia italiana », in ROSSI P. (dir.), Gramsci e la cultura contemporanea, Roma, Editori Riuniti, Vol. 1, 1967, pp. 307-308.

[28] Cf. LIGUORI G., Gramsci conteso, Op. Cit., pp. 208-213.

[29] Cf. SPRIANO P., « Gramsci dirigente politico », in Studi storici, 1967, pp. 249-255 ; PAGGI L., Antonio Gramsci e il moderno principe, Roma, Editori Riuniti, 1970, pp. XVII-XXII.

[30] Cf. MASELLA L., « Gramsci nella storiografia sul Mezzogiorno del secondo dopoguerra », in PONS S. (dir.), Novecento Italiano, Op. Cit., p. 112.

[31] Cf. VACCA G., « Itinerari del programma di ricerca di Franco De Felice (1958-1977) », in Dimensioni e problemi della ricerca storica, n°1, 2009, p. 97.

[32] Cf. FORTUNATO G., Carteggio 1923-1926, in GENTILE E. (dir.), Giovanni Gentile e il Senato : carteggio, 1895-1944, Roma-Bari, Laterza, 1981, p. 195.

[33] PARLATO V. et De FELICE F., « Introduzione », in GRAMSCI A., La questione meridionale, Roma, Editori Riuniti, 1966, p. 35.

[34] Cf. GIASI F., « I comunisti torinesi e l’“egemonia del proletariato” nella rivoluzione italiana. Appunti sulle fonti di “Alcuni temi della questione meridionale” », in D’ORSI A. (dir.) Egemonie, Napoli, Dante&Descartes, 2008 ; MASELLA L., « Modernizzazione, Mezzogiorno e storia d’Italia in Gramsci », in GIASI F. (dir.), Gramsci nel suo tempo, Roma, Carocci, 2008, pp. 320-321.

[35] Cf. BEVILACQUA P., Critica dell’ideologia meridionalistica. Salvemini, Dorso, Gramsci, Padova, Marsilio, 1972.

[36] PARLATO V., FELICE De F., « Introduzione », in GRAMSCI A., La questione meridionale, Op. Cit., p. 44.

[37] Cf. PAGGI L., Antonio Gramsci e il moderno Principe, Op. Cit., pp. VIII-XL.

[38] Cf. VACCA G., Saggio su Togliatti e la tradizione comunista, Bari, De Donato, 1974.

[39] TOGLIATTI P., Lezioni sul fascismo, Roma, Editori Riuniti, 1970.

[40] Cf. BADALONI N., Il marxismo di Gramsci, Torino, Einaudi, 1975.

[41] Cf. ALTHUSSER L., Philosophie et philosophie spontanée des savants, Paris, Maspero, 1974 (1967), p. 40 sgg.

[42] Cette vision est attribuée à MILLIBAND R., Lo Stato nella società capitalistica, Bari, Laterza, 1970.

[43] Cf. BUCI-GLUCKSMANN C., Gramsci e lo Stato, Roma, Editori Riuniti, 1976, pp. 16-115.

[44] Cf. SALVADORI M. L., Gramsci e il problema storico della democrazia, Torino, Einaudi, 1970 et 1973.

[45] Cf. PORTELLI H., Gramsci e il blocco storico, Roma-Bari, Laterza, 1973.

[46] Cf. NARDONE G., Il pensiero di Gramsci, Bari, De Donato, 1971 ; ORMEA F., Gramsci e il futuro dell’uomo, Roma, Coines, 1975.

[47] Cf. ROSA A., Intellettuali e classe operaia, Firenze, La Nuova Italia, 1973 ; MARRAMAO G., « Per una critica dell’ideologia di Gramsci », in Quaderni piacentini , 1972, pp. 74-86.

[48] Cf. ROSA A., « La cultura », in Storia d’Italia : dall’Unità a oggi, Vol. IV, Torino, Einaudi, 1975.

[49] Cf. GALLI DELLA LOGGIA E., « Le ceneri di Gramsci », in Quaderni di Mondoperaio, n°1, Roma, 1976, pp. 86-90.

[50] Cf. VACCA G., Appuntamenti con Gramsci, Op. Cit., pp. 13-15.

[51] Cf. De GIOVANNI B., « Gramsci e l’elaborazione successiva del partito comunista », in De GIOVANNI B., GERRATANA V. et PAGGI L., Egemonia Stato partito in Gramsci, Roma, Editori Riuniti, 1977, pp. 67-74.

[52] Cf. VACCA G., Quale democrazia. Problemi della democrazia di transizione, Bari, De Donato, 1977, pp. 59-98.

[53] Cf. De FELICE F., Serrati, Bordiga, Gramsci e il problema della rivoluzione in Italia (1919-1920), Bari, De Donato, 1971, p.

[54] De FELICE F., Serrati, Bordiga, Gramsci e il problema della rivoluzione in Italia (1919-1920), Op. Cit., p. 154 et p. 272.

[55] PIOTTE J.-M., La pensée politique de Gramsci, Paris, Editions Anthropos, 1970.

[56] TOGLIATTI P. (dir.), Studi gramsciani, Atti del convegno tenuto a Roma nei giorni 11-13 gennaio 1958, Op. Cit.

[57] De FELICE F., « Una chiave di lettura in “Americanismo e fordismo” », in Rinascita, n°42, 27 ottobre 1972, pp. 33-34.

[58] Cfr. De FELICE F., « Da dove veniamo ma anche dove andiamo. Valore e limiti di una operazione culturale », in Rinascita, n°39, 5 ottobre 1973, p. 20.

[59] Fondazione Istituto Gramsci (FIG), fondo (f.) Franco De Felice (FDF), serie note e corrispondenza, b. 3, fasc., 16, Relazione sulla ricerca storica in Italia nel secondo dopoguerra, p. 3.

[60] FIG, f. FdF, serie note e corrispondenza, b. 3, fasc., 16, Relazione sulla ricerca storica in Italia nel secondo dopoguerra, p. 10.

[61] Cf. GENTILE E., « Interpretazioni del fascismo », in Il Resto del Carlino, 9 settembre 1969 ; Id., « Solo conoscendo il fascismo ci libereremo del suo peso », in Il Resto del Carlino, 22 settembre 1973 ; Id., « L’umiltà di uno storico del Novecento. Profilo di Renzo De Felice : il personaggio, il professore, lo storico », in GOGLIA L. et MORO R. (dir.), Renzo De Felice. Studi e testimonianze, Roma, Edizioni di storia e letteratura, 2002, pp. 26-27.

[62] FIG, f. FdF, serie note e corrispondenza, b. 3, fasc., 16, Relazione sulla ricerca storica in Italia nel secondo dopoguerra, p. 5.

[63] Cf. De FELICE R., Il fascismo. Le interpretazioni dei contemporanei e degli storici, Op. Cit., p. 389 ; LOTTI L. et PASQUINO G., Guida alla Facoltà di scienze politiche, Bologna, Il Mulino, 1980, pp. 130-131 ; GENTILE E., L’umiltà di uno storico del Novecento, Op. Cit., pp. 56-57.

[64] Cf. GENTILE E., L’umiltà di uno storico del Novecento, Op. Cit., p. 64.

[65] Cf. Idem, pp. 42-47.

[66] Cf. CECI G. M., Renzo De Felice storico della politica, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2008, p. 35.

[67] Cf. CANTIMORI D., « La periodizzazione del Rinascimento », in Id., Studi di storia, Torino, Einaudi, 1959 (1955), p. 349 ; CHABOD F., « Il Rinascimento », in Id., Scritti sul Rinascimento, Torino, Einaudi, 1981 (1942), pp. 74-75.

[68] Cf. CECI G. M., Renzo De Felice storico della politica, Op. Cit., pp. 445-450.

[69] Cf. LÖWENTHAL R., « Der Faschismus », in Zeitschrift für Sozialismus, settembre-ottobre 1935.

[70] Cf. De FELICE R., Il fascismo, Op. Cit., p. XXXVI.

[71] Cf. MANACORDA G., I caratteri specifici della storiografia dell’età contemporanea, in Quaderni storici, a. VII, fasc. 2, maggio/agosto 1972, pp. 386-390.

[72] FIG, F. FdF, serie note e corrispondenza, b. 3, fasc., 16, Relazione sulla ricerca storica in Italia nel secondo dopoguerra, p. 8.

[73] Cf. TELÒ M., « Introduzione », in TELÒ M. (dir.), La crisi del capitalismo negli anni ’20. Analisi economica e dibattito strategico nella Terza Internazionale, Bari, De Donato, 1978, pp. 5-14 ; De FELICE F., « I comunisti italiani e la crisi generale del capitalismo negli anni Venti », in idem, pp. 177-188 ; RAPONE L., « Il planismo nei dibattiti dell’antifascismo italiano », in TELÒ M. (dir.), Crisi e piano. Le alternative degli anni Trenta, Bari, De Donato, 1979, pp. 269-288.

[74] HOBSBAWN E. J., « Gramsci e la teoria politica marxista », in FERRI F. (dir.), Politica e storia in Gramsci, Roma, Editori Riuniti, II vol. (2 vol,), 1977, p. 46.

[75] Cfr. BUCI-GLUCKSMANN C., « Sui problemi politici della transizione : classe operaia e rivoluzione passiva », in Idem, pp. 99-125.

[76] De FELICE F., « Rivoluzione passiva, fascismo, americanismo in Gramsci », in idem.

[77]De FELICE F., « Rivoluzione passiva, fascismo, americanismo in Gramsci », in idem, pp.163-165 et p.181.

[78] Cf. MANGONI L., « Il problema del fascismo nei “Quaderni del carcere” », in idem, p. 418.

[79] Cf. VACCA G., « La “quistione politica degli intellettuali” e la teoria marxista dello Stato nel pensiero di Gramsci », in idem, pp. 445-449.

[80] De FELICE F., « Lo Stato fascista », in Matrici culturali del fascismo, Bari, Seminari promossi dal Consiglio Regionale Pugliese e dall’Ateneo Barese nel Trentennale della Liberazione, 1977, p. 45.

[81] De FELICE F., « Tre volti del fascismo maturo », in De FELICE F., MARRAMAOG., TRONTI M. et VILLARI L., Stato e capitalismo negli anni Trenta, Roma, Editori riuniti-Istituto Gramsci, 1979, pp. 90-95.

[82] DAMASCELLI E. F., « La restaurazione antifascista liberista. Ristagno e sviluppo economico durante il fascismo », in Il movimento di liberazione in Italia, n°104, 1971, pp. 47-99.

[83] De FELICE F., « Tre volti del fascismo maturo », in De FELICE F., MARRAMAOG., TRONTI M. et VILLARI L., Op. Cit., p. 92.

[84] Cfr. De FELICE F., « Introduzione a Antonio Gramsci », in Quaderno 22 : americanismo e fordismo, Torino, Einaudi, 1978.

[85] Cf. FELICE De F., Sapere e politica : l'Organizzazione internazionale del lavoro tra le due guerre, 1919-39, Milano, Franco Angeli, 1988 ; FELICE De F., « Doppia lealtà e doppio Stato », in Studi storici, n°3, pp. 493-563 ; FELICE De F. (dir.), Antifascismi e resistenze, Roma, La Nuova Italia Scientifica, 1997 ; VACCA G. (dir.), Gramsci e il Novecento, Roma, Carocci, 1999.

[86] Cf. FROSINI F., Gramsci e la filosofia. Saggio sui « “Quaderni del carcere” », Roma, Carocci, 2003, p. 18 ; BARATTA G., « Americanismo e fordismo », in FROSINI F. et LIGUORI G. (dir.) Le parole di Gramsci. Per un lessico dei « Quaderni del carcere », Roma, Carocci, 2004, pp. 15-34 ; FROSINI F., « Filosofia della praxis », in idem, pp. 93-111 ; COSPITO G., « Struttura-superstruttura », in idem, pp. 229-245 ; BOOTHMAN D., « Traduzione e traducibilità », in idem, pp. 254-265 ; FROSINI F., Da Gramsci a Marx. Ideologia, verità e politica, Roma, DeriveApprodi, 2009, pp. 58-60.

[87] Cf. Alberto Burgio, Gramsci storico. Una lettura dei “Quaderni del carcere”, Roma-Bari, Laterza, 2003, p. 20 et pp. 211-241.

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