Par Daniela Pomarico, ATER en sociologie à l’université Paul-Valéry Montpellier 3, membre du laboratoire LEIRIS et du comité éditorial de la revue internationale Im@go. A Journal of the Social Imaginary.
Nostalgie restauratrice et rÉtrotopie : les racines de la haine dans un monde en crise
Depuis le début du millénaire, nous assistons à une vague réactionnaire qui ne cesse de croître à la fois en Orient et en Occident. L'attaque terroriste du 11 septembre
Qu'est-ce que toutes ces manifestations ont en commun ? Un environnement social dans lequel la haine, la discrimination et l'intolérance sont normalisées et diffusées par les institutions, les comportements sociaux et les médias. Les travaux de Zygmunt Bauman[1] sur la modernité liquide et l'incertitude, soulignent comment la perte de repères solides dans une société en constante transformation peut mener à une aggravation de la haine. Dans son dernier ouvrage, Retrotopia[2], Bauman associe les expressions anti-progressistes à la nostalgie restauratrice théorisée par Svetlana Boym[3].
Svetlana Boym affirme qu
L'image que
Bauman entrevoit dans l'épidémie de nostalgie annoncée par Boym l'inversion de l'aspiration au progrès en une nouvelle forme d'utopie dirigée, non pas vers le futur, mais vers le passé : « il y a maintenant des “rétrotopies” émergentes : des visions situées dans le passé perdu/volé/abandonné mais pas encore mort, et non pas [comme l'utopie] liées à l'avenir à naître, donc inexistant »[5].
La rétrotopie serait une réaction au malaise de la société coincée dans une phase d'« interrègne »[6], un état suspendu dans lequel l'ancien n'a pas encore été laissé derrière soi et où l'avenir apparaît incertain et plein de dangers. Ce moment, qui rappelle la brèche d'Hannah Arendt[7], est résumé par les mots de Boym : « c'est la promesse de reconstruire le foyer idéal qui se trouve au cœur de nombreuses idéologies puissantes d'aujourd'hui, nous incitant à abandonner la pensée critique au profit d'un lien émotionnel »[8]. Bauman partage l'analyse de Boym sur les dangers d’un tel désir de foyer : « le danger de la nostalgie est qu'elle tend à confondre le foyer réel et le foyer imaginaire »[9]. Bauman décrit le réveil de la nostalgie et du désir rétrotopique dans les termes de la nostalgie restauratrice de Boym, caractérisée par « les réveils nationaux et nationalistes dans le monde entier, qui participent à la mythification antimoderne de l'histoire par le biais d'un retour aux symboles et mythes nationaux et, parfois, par l'échange de théories conspirationnistes »[10]. Bauman est bien conscient que le passé rêvé n'est pas un retour à « ce qui était », mais plutôt de la façon dont nous nous en souvenons ou de la façon dont nous aurions aimé qu'il soit, car comme le suggère encore Boym, « la nostalgie est un sentiment de perte et de désorientation, mais c'est aussi une histoire d'amour avec sa propre fantaisie »[11]. D'après la perspective du sociologue allemand, les fantasmes nostalgiques s'entrecroisent avec la politique de la nostalgie, générant des rêves de restauration, de nationalisme et de populisme traditionaliste qui ont moins à voir avec le foyer réel qu'avec la création de mythes.
Les préoccupations de Bauman s'inscrivent dans la crise profonde générée par la transformation de la société moderne tardive solide en société moderne liquide caractérisée par la privatisation/l'individualisation, la déréglementation, la mondialisation, la commercialisation, le démantèlement de l'État-providence, l'érosion de la communauté et le consumérisme effréné. Ce changement structurel a eu un fort impact sur les attentes publiques : « les espoirs d'amélioration, autrefois placés dans un avenir incertain et manifestement peu fiable, ont été réinvestis dans le vague souvenir d'un passé prisé pour sa stabilité et sa fiabilité supposées »[12]. Cette inversion, explique Bauman, fait de l'avenir une source de cauchemars, alimentant des craintes telles que la perte d'un emploi, d'un logement ou du bien-être de ses enfants.
Dans la vision désolée de Bauman, les paradis futurs ont cédé la place aux inquiétudes et aux menaces, l'histoire à venir est peu fiable et chargée de peurs et d'angoisses.
Un présent plat, et un avenir de moins en moins radieux ont généré la surabondance du passé à l'origine de ce que Svetlana Boym a appelé « une épidémie mondiale de nostalgie, une aspiration sentimentale à faire partie d'une communauté dotée d'une mémoire collective, une aspiration à la continuité dans un monde fragmenté »[13].
Pour Bauman, le rêve rétrotopique est de voir resurgir l'ancien sens de la communauté partagée au sein des États-nations. Au contraire, la séparation du pouvoir et de la politique, érodée par les processus de mondialisation, l'action néfaste des nouveaux médias et l'ingérence du néolibéralisme, a déplacé la responsabilité de la résolution des problèmes sociaux, autrefois prérogative de l'appareil public, vers l'individu. Une fois que l'idée de progrès a été « privatisée », se tourner vers le passé comme vers une oasis d’un temps plus simple et plus heureux devient un « mécanisme de défense » écrit Bauman, d'autant plus que le passé peut être idéalisé.
Parmi les différents retours rétrotopiques provoqués par la fin de l'État-nation fort, figure la guerre de tous contre tous face à laquelle le Léviathan hobbesien ne peut plus freiner la cruauté innée de l'être humain : « il faut remettre dans le tiroir l'idée d'un monde sans violence » et accepter que
l'État - auparavant considéré comme le principal, voire le seul garant de la sécurité humaine, et la seule assurance contre la violence - doit en réalité être replacé parmi les principaux facteurs/causes/promoteurs du climat actuel d'insécurité et de vulnérabilité à la violence[14].
Dans ce vide de pouvoir, il est très facile pour les graines de la violence et de la colère, cultivées dans le sol de la frustration, de la précarité, de l'humiliation et de la dégradation sociale, d'exploser en manifestations explicites de haine, à la fois chez les gens ordinaires et chez les politiciens, qui sont de plus en plus enclins à instrumentaliser l'agitation qui vient d'en bas.
L'Économie affective de la haine : l'autre imaginÉ
Dans son livre The Cultural Politics of Emotion, Sara Ahmed décrit la différence entre la colère et la haine en reprenant les mots d'Aristote : « la colère n'est généralement ressentie que contre des personnes particulières, alors que la haine peut être ressentie pour toute une classe de personnes »[15]. La haine, explique Ahmed, implique une relation négative entre « un sujet et un autre imaginé » perçu comme « indésirable » parce qu'il exerce « une pression sur moi ». La présence de l'autre est investie de haine car elle est vécue comme une menace à éliminer. L'autrice définit la haine comme « une émotion intense ; elle implique un sentiment d' "être contre" qui est toujours, au sens phénoménologique, intentionnel. La haine est toujours une aversion pour quelque chose ou quelqu'un »[16] et, dans son utilisation politique, elle « implique l'attribution d'une signification à l'autre, un processus que l'on peut décrire comme la création d'une dissemblance »[17]. La haine « est un lien négatif avec l'autre que l'on veut expulser, un lien que l'on maintient en repoussant l'autre de la proximité corporelle et sociale »[18]. Paradoxalement, Ahmed associe la haine à l'amour comme un Janus à deux visages, on ne peut haïr sans aimer. Le moi s'identifie comme une victime d'une mauvaise politique gouvernementale, ce qui l'oblige à se placer dans une position défensive contre l'autre imaginé : « La présence de cet autre est imaginée comme une menace pour l'objet de l'amour »[19]. Dans ce cas, l'objet de l'amour est la nation, l'identité, le foyer, la langue, la pureté ou la communauté assiégée ; l'autre imaginé est là pour piller les ayants droit naturel au travail, à l'argent, à la terre, au sang, à la sécurité, à l'histoire, à l'avenir, au point de les remplacer. Ahmed parle de « l'économie affective » de la haine, affirmant, par exemple, que le sentiment ne réside pas dans les signes (objets, sujets ou concepts), mais qu'elle est produite par l'attribution arbitraire d'une signification à un signifiant. Ainsi, les signes acquièrent un capital émotionnel par leur circulation, plus ils circulent, plus ils accumulent de la valeur affective (ou plus-value) : « plus les signes circulent, plus ils deviennent affectifs »[20].
C'est précisément l'absence d'un signifiant fixe qui permet à des sentiments comme la haine d'entretenir une relation transitive avec les significations. Transitant entre des associations historiquement acquises dans le passé et qui se répercutent dans le présent, la haine se « colle » à différentes figures créant, selon Ahmed, des alignements.
L'aversion ressentie à l'égard des usurpateurs de son propre foyer engendre la haine à l'égard d'une menace commune imaginée, et est inversement alignée sur l'amour qui unit ceux qui ressentent le même risque.
La haine trace les frontières qui séparent le je du tu et le nous du eux. Si la haine est perçue comme un sentiment qui va de l'intérieur vers l’extérieur, son principe repose sur la séparation entre soi et l'autre, définissant ainsi également le sens du lien communautaire :
La façon dont la haine permet au « je » et au « nous » d'être prononcés simultanément dans un moment d'alignement est un autre élément qui permet d'affirmer que la haine est un lien négatif avec autrui. À un certain niveau, nous pouvons voir qu'un « je » qui se déclare comme quelqu'un qui hait l'autre [...], existe parce qu'il déclare aussi son amour pour ce qui est menacé par cet autre imaginé (la nation, la communauté, etc.)[21].
Les autres imaginés qui partagent le danger d'invasion développent également un sentiment d'identité à travers l'antagonisme similitude/dissemblance : je les aime parce qu'ils sont comme moi (ou nous), je les déteste parce qu'ils sont différents de moi (ou nous).
Les similitudes et les dissemblances sont donc le résultat d'un « autre imaginé » auquel on associe certaines caractéristiques.
Les communautÉs imaginÉes : une construction politique et émotionnelle fictive
L'autre imaginé d'Ahmed est compatible avec le concept de « communautés imaginées » de Benedict Anderson[22], sur lequel l'auteur fonde les idées de nation, de nationalisme et de nationalité. Anderson affirme quelque chose d'apparemment déroutant : ces idées qui sont si puissantes politiquement et si ancrées émotionnellement, au point de conduire des êtres vivants à sacrifier leur vie, ne sont rien d'autre que des « artefacts culturels d'un type particulier »[23]. L'auteur affirme qu'il s'agit d'artefacts, c'est-à-dire de constructions créées historiquement à une époque relativement récente. Malgré la croyance tenace que la nation est une entité qui a toujours existé et que le nationalisme est un concept socioculturel universel, Anderson explique que les deux ne remontent pas à plus de deux siècles et défend « la modernité objective des nations »[24]. Le nationalisme serait le résultat de l'expansion coloniale qui a débuté à la fin du XVIIIe siècle et s'est cristallisé après 1820 dans le « réveil » des nationalismes issus de la vague romantique. Il faut souligner que « réveil » est un substantif qui indique l'existence de quelque chose de déjà présent, mais qui sommeillait, car pour Anderson « les nations émergentes s'imaginent invariablement comme “anciennes” »[25]. Cela suffirait à expliquer « pourquoi elles déclenchent aujourd'hui une légitimité si profondément émotionnelle »[26]. La construction moderne de la nation dissimule le piège de l'antiquité, comme l'a révélé Ernest Gellner : « le nationalisme n'est pas l'éveil des nations à la conscience de soi : il invente plutôt des nations là où elles n'existent pas »[27]. Ils ne reposent évidemment pas sur rien, mais « sont la distillation spontanée d'une “intersection” complexe de forces historiques discontinues »[28]. Héritiers des dynasties monarchiques balayées par les Lumières et orphelins d'un Paradis désormais sécularisé, les peuples ont dû combler cette perte en abandonnant leurs croyances antérieures et en concoctant de nouveaux récits :
Dans l'esprit d'un anthropologue, je propose donc la définition suivante d'une nation : c'est une communauté politique imaginaire, et imaginée comme intrinsèquement limitée et souveraine à la fois. Elle est imaginée dans la mesure où les habitants de la plus petite nation ne connaîtront jamais la plupart de leurs compatriotes, ne les rencontreront pas, n'entendront pas parler d'eux, mais l'image de leur communauté vit dans l'esprit de chacun[29].
Pour qu'il y ait une nation, il faut donc qu'il y ait d'abord une communauté qui s'imagine artificiellement comme telle sur la base de structures sociales, politiques, économiques, religieuses, ethniques et culturelles communes à un « nous » inconnu. La question posée par Anderson : « Et si, au lieu de cela, l'"antiquité" était, à certains moments de l'histoire, la conséquence nécessaire de la “nouveauté” ? »[30] ne peut recevoir qu'une réponse affirmative, et sa validité reste intacte face aux récentes manifestations de haine nationaliste qui jouent avec la nostalgie d'un passé idéalisé ou, pire, fictionnalisé.
Populisme et nostalgie : une stratÉgie Émotionnelle d'instrumentalisation du passÉ
L'objectif des États-nations, comme l'affirme Bauman en Retrotopia, a toujours été de séparer « nous » d'« eux » en créant des frontières, en érigeant des murs, en divisant et en limitant. Cette configuration a été prolifique pour la montée du conservatisme national sur lequel insistent les partis populistes de droite qui ont été de plus en plus populaires depuis le début du nouveau millénaire. Dans le même temps, les discours politiques protectionnistes ont compensé la séparation du pouvoir et de la politique en mobilisant l'émotivité inhérente à la base d'électeurs mécontents par l'utilisation instrumentale de la nostalgie pour freiner l'avancée du changement grâce à des récits sélectifs du passé national.
Diverses recherches[31] ont mis en évidence la manière dont le populisme a progressivement utilisé la « force émotionnelle mobilisatrice »[32] à l'égard du passé par le biais de l'utilisation politique de la nostalgie. Cas Mudde est allé jusqu'à affirmer que le discours populiste de droite et les conservatismes radicaux sont devenus courants dans les démocraties occidentales, au point de parler d'un « Zeitgeist populiste ». Mudde souligne qu'au centre du discours populiste se trouve évidemment le « peuple », dont la conscience est la source du bien politique et du bon sens. Les populistes parlent donc au nom du « peuple opprimé » par le biais de la « politique du Stammtisch (le pub), c'est-à-dire un discours hautement émotionnel et simpliste qui fait appel aux “sentiments viscéraux” du peuple »[33]. Selon l'auteur, la stratégie populiste se caractérise par un antagonisme binaire opposant le peuple (nous) aux élites corrompues et au pluralisme (eux) :
Le populisme présente une vision manichéenne dans laquelle il n'y a que des amis et des ennemis. Les opposants ne sont pas seulement des personnes ayant des priorités et des valeurs différentes, ils sont le mal ! Par conséquent, le compromis est impossible, car il « corrompt » la pureté[34].
S'inspirant du concept de « heartland » de Paul Taggart[35], Mudde insiste sur la démagogie inhérente au « cœur “idéal de la nation où résiderait une communauté unie et vertueuse, mais qui en réalité n'est ni réel ni compréhensive" : mais [est] en fait un sous-ensemble mythique et construit de l'ensemble de la population. En d'autres termes, le peuple des populistes est une "communauté imaginée", très semblable à la nation des nationalistes »[36].
La nostalgie devient ainsi une stratégie compatible avec les politiques conservatrices parce qu'elle alimente l'insatisfaction à l'égard du présent par une rhétorique de la crise et de la perte et qu'elle idéalise un passé parfait où la tradition, les hiérarchies, la religion et le bien-être économique n'étaient pas menacés par l'immigration, la mondialisation, les droits civiques ou le changement climatique.
Fuite dans la nostalgie, un refuge anti-progressiste face au changement
Les vagues de changements sociaux qui affectent les sujets les conduisent à des évaluations comparatives dans le temps. Le désir du passé comme lieu de préservation et de continuité de l'identité, sentimentale, collective et personnelle, nécessite toujours un contraste entre deux périodes différentes. Stuart Tannock décrit la nostalgie comme « une émotion qui périodise : ça c'était avant, et ça c'est maintenant »[37] et c'est par cette comparaison entre un présent jugé insatisfaisant et un passé plus attrayant que le sentiment se structure comme une perte.
En effet, la nostalgie nous renseigne beaucoup plus sur le présent que sur le passé. Elle peut être considérée comme un thermomètre qui mesure la température émotionnelle d'une société.
Selon la littérature classique[38] ce sentiment émerge en cas de changements brusques, d'inversions, de transitions, de turbulences, d'incertitudes politiques et de crises. Il naît d'un « sentiment de dislocation temporelle, et inévitablement, il y a des moments où cela est perçu principalement comme une perte »[39] par les membres d'une génération ou d'un groupe social. Cette dislocation temporelle crée un sentiment d'étrangeté, de désorientation et de déconnexion temporelle par rapport à une période antérieure. À partir de ces postulats, Pickering et Keightley parviennent à établir les composantes générales de la nostalgie : « un cadre composite de perte, de manque et de désir »[40].
La nostalgie est donc le désir de ce qui est actuellement inaccessible dans un lieu ou une époque passée et se manifeste comme une réponse émotionnelle et culturelle à la perte ou à l'éloignement de quelque chose qui a été considéré comme précieux ou significatif.
Stuart Tannock a également identifié des éléments communs dans la construction de la rhétorique politique de la nostalgie. En invoquant un monde présent déficient :
Le sujet nostalgique se tourne vers le passé pour trouver/construire des sources d'identité, d'action ou de continuité qu'il estime manquantes, bloquées, subverties ou menacées dans le présent. En invoquant le passé, le sujet nostalgique peut être impliqué dans la fuite et l'évasion, la critique ou la mobilisation pour surmonter l'expérience actuelle de la perte d'identité, du manque de pouvoir ou de l'absence de communauté. Parmi les tropes clés de la rhétorique nostalgique, citons la notion d'âge d'or et de chute consécutive, l'histoire du retour au foyer et la pastorale[41].
Les trois idées principales contenues dans la rhétorique nostalgique sont particulièrement importantes pour comprendre comment la nostalgie s'est opposée négativement au progrès et au changement :
premièrement, celle d'un monde prélapsaire (l'âge d'or, la maison d'enfance, la patrie) ; deuxièmement, celle d'un « lapse/intervalle » (une coupure, une catastrophe, une séparation ou une scission/division, la chute) ; troisièmement, celle du monde présent, postlapsaire (un monde ressenti en quelque sorte comme manquant, absent ou oppressif)[42].
Tannock considère la nostalgie comme « la recherche de la continuité au milieu des menaces de discontinuité »[43]. Il suggère que le sujet nostalgique peut adopter deux attitudes différentes selon l'endroit où l'accent de la coupure sera rhétoriquement posé, une réaction de fuite, de « retrait » de repli sur soi et d'évasion qu’idéalise un hypothétique âge d'or prélapsaire, et l'autre de récupération critique du passé lors de la chute postlapsaire. Nous nous concentrons sur la réaction de retrait qui fait coïncider le désir du passé comme source immuable de valeur, continuité et signification, avec le désir d’une société stable, traditionnelle et hiérarchisée. Il existe un danger inhérent à se tourner vers le passé pour trouver des sources de communauté, d’identité et d’action, et de les considérer comme perdues dans le présent et interdites dans le futur ; c’est-à-dire que, pour préserver le sens de l’origine, le sujet nostalgique se laissera emporter par le sentimentalisme et l’idéalisation, exaltant le passé et éliminant ses composantes négatives. Le repli sur le passé empêchera alors toute critique et prendra la forme rétrospective d'un « recul privé dans la "nature" », dans l'« Éden du cœur, et dans un amour solitaire, résigné et contemplatif des hommes »[44]. La nostalgie en tant que retrait a été considérée comme un malaise social mélancolique, rétrograde et ouvertement conservateur, un échec vis-à-vis du présent et de l'avenir, et une version illusoire et embellie d'un passé qui n'a jamais vraiment existé. Pour Pickering et Keightley, « c'est comme si la nostalgie n'apparaissait que pour compenser la perte de foi dans le progrès, et pour ce qui est socialement et culturellement détruit au nom du progrès »[45].
Nostos et rÉcits nationalistes : la politique de la nostalgique face aux enjeux contemporains
Lammers et Baldwin[46] confirment que le lien entre la nostalgie et la politique conservatrice de droite est uni par l'accent mis sur le passé traditionnel et l'opposition au changement ; ils ajoutent que la politique nostalgique de droite exploite les sentiments positifs des électeurs à l'égard du passé. La nostalgie peut être une stratégie pour faire face au changement, devenant ainsi un outil idéal pour la rhétorique de droite visant à restaurer l'identité et la continuité. Fred Davis a défini la nostalgie comme « une évocation d'un passé vécu positivement »[47] associée à des sentiments tels que « la chaleur, le bon vieux temps, l'enfance »[48], représentant un recours émotionnel pour l'individu, une source de certitude rassurante pour la continuité et l'identité. Par ailleurs, les résultats de Tim Wildschut et Constantine Sedikides (2020) ont également montré que la nostalgie n'est pas seulement orientée vers le passé, mais aussi vers l'avenir en termes d'optimisme. Selon Lammers et Baldwin, en 2017, « 75 % des électeurs de Trump ont ressenti l'émotion nostalgique selon laquelle la vie était meilleure dans le passé ». En conséquence :
Il est facile de comprendre pourquoi le populisme de droite peut être lié à la nostalgie collective. De nombreux slogans utilisés par les partis populistes de droite font appel à cette émotion collective en prônant un retour au passé : « Make America Great Again » (Trump, États-Unis), « Take Back Control of Our Country » (UK Independence Party), ou « Remettre la France en ordre » (France ; Rassemblement national)[49].
L'état d'anxiété et d'insécurité véhiculé par les leaders populistes de droite vise souvent à idéaliser un retour à un supposé âge d'or en suscitant des sentiments de haine et d'« insécurité ontologique »[50] qui glissent vers la discrimination xénophobe, l'extrémisme et l'autoritarisme, quand ce n'est pas directement vers le racisme et le fascisme.
En Europe, les crises économiques, comme celle de 2008, et les mesures d'austérité imposées dans de nombreux pays européens ont suscité un ressentiment généralisé. Les classes populaires et moyennes, durement touchées par le chômage et la réduction des aides sociales, ont commencé à considérer les élites politiques et économiques comme responsables de la détérioration de leur situation économique. Cette situation a engendré une crise de légitimité due au transfert progressif de l'autorité nationale vers des organismes supranationaux tels que l'UE et au découplage entre la politique et le pouvoir de plus en plus concentré sur l'exécutif au sein des nations[51]. La combinaison de la corruption, de la mauvaise gestion économique et de l'inefficacité perçue a sapé la confiance du public dans les institutions démocratiques, ce qui a entraîné une escalade du souverainisme, du nationalisme, du protectionnisme économique et des sentiments antipartis et anti-élites. Même le grand projet de libre circulation inscrit dans le traité de Maastricht a paradoxalement conduit à une réduction stupéfiante de la solidarité. Ce que l'on a appelé la crise européenne des réfugiés de 2015 a profondément ébranlé les politiques culturelles. L'arrivée massive de migrants a été perçue par une partie de la population comme une menace créant une fracture économico-culturelle et un désir de préserver le droit d'appartenir à la communauté des natifs partageant la culture, la vertu morale et la mémoire. La patrie, le « nostos » (du mot grec νόστος qui signifie « retour » ou « retour à la maison »), est ainsi devenue l'objet de débats passionnés et de récits anti-migratoires contre l'illégitimité des nouveaux arrivants accusés de profiter du système de protection sociale, de voler des emplois et de pervertir « notre » mode de vie.
La rhÉtorique nostalgique populiste : IdentitÉ, exclusion et autoritarisme dans les discours de la droite radicale
À la question de l'identité et des différences ethniques se sont ajoutés des jugements de valeur sur l'apparente infériorité culturelle des migrants, ou ce que Pierre-André Taguieff[52] a appelé le « racisme culturel ». Les tournures xénophobes et anti-multiculturelles sont devenues le cheval de bataille de la Nouvelle Droite française, qui a influencé les partis populistes de droite et contribué à des thèmes tels que le rejet du libéralisme économique, la défense des racines culturelles et la critique de la mondialisation. Lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen a lancé le slogan « Remettre la France en ordre » dans l'intention de souligner la nécessité de rétablir l'ordre et la sécurité à une époque caractérisée par des craintes liées à l'immigration, au terrorisme et à la criminalité.
Le message cherchait à attirer un électorat préoccupé par la stabilité sociale et la préservation des valeurs traditionnelles, en proposant des mesures telles que le renforcement des contrôles aux frontières et la promotion de politiques de sécurité intérieure plus strictes. Le 31 décembre 2020, lors de la présentation de ses vœux de Nouvel An sur la plateforme X (ex Twitter), Marine Le Pen a utilisé un discours de haine explicite à l'encontre de l'Islam et des musulmans et une utilisation instrumentale de la nostalgie réparatrice mélangée à des tropes populistes : l'état de crise, la menace extérieure, la séparation nous/eux, le sentiment de haine, l'inefficacité politique, l'état de guerre et l'intention de mener la France sur la voie du « sursaut et du redressement ». La représentante du Rassemblement National a dépeint la France comme un pays où prévaut « L'affreuse perspective de la ruine » :
Personne n’aura échappé aux tracas d’une vie bousculée par les contraintes, ou perturbée par la crainte légitime de la maladie qui rôde, de la menace qui pèse. Une fois de plus cette année, le terrorisme aura frappé notre pays, encore et encore, assassiné sauvagement nos compatriotes, ici un enseignant, là des croyants dans une église ou même des simples passants. L’islamisme criminel aura frappé de manière atroce mais l’horreur de ces actes aura, espérons-le, fait émerger dans le sillage des souffrances et des douleurs, avec les flots des larmes et de sang, une bienfaisante prise de conscience et je le crois politiquement, une légitime révolte des citoyens devant l’impuissance publique face à ce que la vérité appelle à bien nommer : une guerre. Or, pendant ce temps, certains, y compris des politiques, ont déployé tout leur zèle malfaisant à saper les valeurs fondamentales de notre république française, nourrissant la haine de la France et la discorde civile (Le Pen, 2020).
D'autres représentants de la droite radicale française, comme Éric Zemmour, ont exploité la rhétorique du « nationalisme nostalgique »[53] lors de sa candidature à l'élection présidentielle de 2022. La vidéo du 30 novembre 2021 postée par Zemmour sur le site YouTube a été analysée par Fantin, Niemeyer et Dufresne-Deslières comme un exemple typique de nostalgie réparatrice dans le but de faire un usage sélectif et déformé de la mémoire collective, de générer un sentiment de décadence de l'état actuel de la nation en raison de l'altérité ethnique, et d'idéaliser un âge d'or perdu, le tout accompagné d'expressions de colère et de haine. Les autrices concluent que :
La manière dont le passé est instrumentalisé repose sur un ensemble de techniques et de processus propres à tout discours porté par une nostalgie – une mémoire qui édulcore, qui omet que ce passé idéalisé éclipse des moments et faits historiques non glorieux comme les droits restreints des femmes ou des personnes marginalisées, pour ne citer que deux exemples. Un passé porté au pinacle, contrasté par un présent horrifié et chaotisé, et entre les deux un candidat dont les mots donnent aux images un nouveau sens, naviguant dans le tourbillon d’un montage audiovisuel qui mélange les codes de la publicité, de la vidéo musicale, de l’annonce politique d’envergure historique et de la bande-annonce cinématographique, permettant ainsi d’élaborer le récit imaginaire d’un âge d’or perdu, d’instituer une méta-mémoire politisée portée par une obsession identitaire, et enfin, d’arrimer la nostalgie à la haine et au rejet d’une altérité dessinée sous le spectre omniprésent d’un dangereux fantôme[54].
L'électorat conservateur est séduit par la rhétorique simplifiée, et parfois brutale, des leaders qui font appel à l'émotion, à l'instinctivité et promettent la restauration du statu quo. Michael Kenny[55] a analysé la nostalgie sous-jacente du « Leave » lors du Brexit en 2016 comme un passage de Margaret Thatcher à Liam Fox, Nigel Farage et Boris Johnson. Les appels à la souveraineté historique de la campagne « Take Back Control of Our Country », les allusions au grand empire maritime britannique et au siège par les migrants, ont trouvé un terrain fertile dans la partie la plus mécontente de la population - les électeurs de la « rust-belt », de la « white working class » ou des « leftbehind » - unis par « des sentiments critiques envers la mondialisation, la transformation économique, le multiculturalisme et l'immigration »[56]. Browning, à son tour, fait une analyse intéressante de la rhétorique populiste britannique lorsqu'il affirme que « la campagne "Leave" s'est construite autour d'une série de récits fantastiques (populistes) qui promettaient la liberté, la libération, la subjectivité et agentivité, des fantaisies qui, tout en offrant des promesses d'accomplissement et de fermeture, étaient souvent très nostalgiques et incompatibles »[57].
Les récits fantasmatiques du retour à l'âge d'or semblent faire écho à l'« histoire d'amour avec son imagination » annoncée par Boym, mais aussi aux fantasmata dont Hofer, l'inventeur du terme nostalgie, avait déjà parlé à propos des objets de l'imagination déformée. Kenny voit des parallèles entre le « Brexit » britannique et la campagne américaine « Make America Great Again » de 2016 soutenue par Donald Trump. Élu 45e président des États-Unis en 2017, Trump a construit sa campagne sur la haine avec des attaques frontales contre ses adversaires, les médias et les migrants, typiques de l'hate speech. Parmi les thèmes de son premier mandat figurent le protectionnisme économique face à des ennemis comme la Chine et l'UE, la santé, l'écologie et l'immigration. Cette dernière a donné lieu à des formes extrêmes d'intolérance fondées sur la dichotomie nous/eux, ainsi qu'à la proposition de construire un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique et à l'adoption du Travel Ban visant à réduire l'octroi de visas aux citoyens d'origine musulmane.
Avec une utilisation massive des médias sociaux, en particulier de Twitter (aujourd'hui X), Trump a banalisé un langage méprisant aux accents fascistes, en utilisant des slogans tels que « l'ennemi du peuple » ou « fake news » visant les médias adverses, « illegal aliens » et « crime » pour désigner les migrants, ou encore « Chinese Virus » lors de la pandémie COVID-19. Richard Grusin et Erick Felinto[58] ont analysé la communication numérique de Trump à travers les concepts de « Gore mediation » et de « prémédiation » : à travers la diffusion médiatique, « la Gore mediation opère largement pour générer et intensifier des sentiments tels que la peur et la colère parmi la population, créant un état d'esprit ou une structure de sentiments dans lesquels des actions violentes pourraient émerger et émergent généralement »[59]. Les dérives autoritaires et pseudo-fascistes de Trump ont atteint le sommet de l'incitation à la haine et à la violence lors de la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021, lorsqu'après avoir dénoncé le trucage de l'élection de Biden, une foule en colère de partisans de Trump a attaqué, vandalisé et saccagé le Capitole, blessant et tuant plusieurs personnes. De nombreux manifestants avaient un « Q » dessiné sur le visage, symbole du « QAnon », une théorie du complot selon laquelle Trump incarnerait l'outsider anti-establishment prêt à défier une mystérieuse élite mondiale composée de satanistes, de francs-maçons et de pédophiles. Trump serait ainsi une figure mythique, « l'homme nouveau », jugé plus honnête et authentique précisément en raison de son autoritarisme. La réélection de Trump le 5 novembre 2024 s'est accompagnée de commentaires de plus en plus alarmants de la part des observateurs des médias. Après avoir survécu à deux tentatives d’assassinat qui ont fait de lui le guerrier du « fite, fite fite », Trump a lancé à plusieurs reprises des attaques, souvent des insultes, à la fois contre son adversaire Kamala Harris et contre les immigrés. Harris a été dépeinte comme faisant partie d'un complot démocrate visant à réinstaller le spectre du communisme, tandis que les immigrés sont devenus le sujet d'absurdes fake news. Lors du débat entre Trump et Harris le 11 septembre 2024, l'ancien président a accusé les immigrés haïtiens de manger les animaux domestiques des habitants de Springfield, dans l'Ohio. Mais les réflexions les plus inquiètes des spécialistes de la communication se sont concentrées sur son langage ouvertement fasciste. Le 31 octobre 2024, le Courrier International publie un article intitulé « Trump parle comme Hitler, Staline et Mussolini » pour dénoncer que « "Vermine", “parasites”, “ennemi de l'intérieur” [...], les mots du candidat républicain font de plus en plus écho à ceux des régimes totalitaires »[60]. Le 3 novembre, le Courrier International publie un autre article intitulé « Donald Trump est-il fasciste ? Comment l'historien américain Robert Paxton a changé d'avis », dans lequel l'historien américain spécialiste des régimes totalitaires affirme que « la “hargne” et la “mâchoire crispée” rappellent “le théâtre grotesque” de Mussolini, et que Trump impute volontiers aux “étrangers” et aux “minorités” la responsabilité du “déclin national” ». Ce sont là, écrit Paxton, des « motifs typiquement fascistes »[61]. Les propositions agressives de Trump n’épargnent non plus le monde du spectacle et les artistes qui manifestent un soutien explicite au parti démocrate. Le cas de la chanteuse américaine Taylor Swift est emblématique, au point d’attirer l’intérêt de la recherche scientifique.
« I hate Taylor Swift » : l’effet du soutien des artistes sur les prÉvisions ÉlÉctorales, entre participation politique et rÉactions de haine
Le 15 septembre 2024, Donald Trump s'insurgeait sur Truth Social, la plateforme qu'il a fondée, déclarant : « I hate Taylor Swift » en réaction au soutien affiché par la chanteuse américaine à la candidate démocrate Kamala Harris. Ce message faisait suite à la déclaration publiée par Swift le 10 septembre sur son compte Instagram : « Je vote pour Kamala Harris parce qu'elle défend les droits et les causes qui, selon moi, nécessitent une véritable guerrière »[62]. Fidèles aux engagements progressistes de l'artiste, déjà soutien de Joe Biden en 2020, ses fans ont créé le groupe Swifties for Kamala sur les réseaux sociaux X et Instagram, ainsi qu’un site dédié à la collecte de fonds, avec pour objectif déclaré de « transformer notre pouvoir de swifties en puissance politique » [63].
Les dynamiques de l'engagement politique des jeunes aux États-Unis ont été récemment mises en lumière par une étude de l'Ash Center for Democratic Governance and Innovation de l'université Harvard, qui souligne l'influence des célébrités dans les campagnes électorales. Ces dernières années, le rôle des personnalités publiques dans la mobilisation politique est devenu un axe central des analyses sur les comportements électoraux, notamment aux États-Unis. Parmi les exemples les plus marquants, l'engagement de Taylor Swift se distingue par son impact concret sur les taux d'inscription au vote, particulièrement chez les jeunes électeurs.
Selon Ashley Spillane, experte en engagement civique et politique et autrice de l'étude, les célébrités, grâce à leur visibilité mondiale et leur capacité à influencer les comportements et opinions, jouent un rôle clé dans la promotion de la participation citoyenne et l'augmentation de l'engagement des jeunes. L'étude révèle une corrélation directe entre les appels au vote des célébrités et une augmentation significative de la mobilisation électorale[64]. Ainsi, l'intervention de Taylor Swift sur Instagram a conduit à 250 000 nouvelles inscriptions sur Vote.org en seulement 72 heures lors des élections de mi-mandat de 2018. Ce phénomène s'est encore intensifié lors des élections de 2024, lorsque son soutien explicite à Kamala Harris, annoncé le 10 septembre, a généré près de 337 826 nouvelles inscriptions sur la plateforme Vote.org[65].
Selon Spillane, les célébrités bénéficient d'une confiance souvent absente envers les institutions traditionnelles, ce qui leur permet d’inspirer une action concrète parmi les populations moins engagées politiquement. Il ne s’agit pas seulement d’amplifier des messages politiques, mais aussi de rendre des thèmes tels que la participation civique et le vote plus pertinents pour les nouvelles générations.
Le sondage réalisé par le Florida Atlantic University Political Communication and Public Opinion Research Lab (PolCom Lab) en collaboration avec Mainstreet Research USA, dirigé par Joshua Glanze, a révélé que Kamala Harris bénéficie du soutien de 51 % des femmes, de 54 % des électeurs âgés de plus de 50 ans et de 54 % des électeurs blancs diplômés de l'université. En revanche, Donald Trump obtient le soutien de 50 % des jeunes âgés de 18 à 49 ans et de 58 % des électeurs blancs sans diplôme universitaire[66]. Selon l’étude, les appels démocrates lancés par les célébrités auraient le pouvoir de rendre la participation politique « cool » et « trendy », captivant ainsi l’attention des générations Z et des Millennials[67].
L’influence politique exercée par Taylor Swift sur les jeunes générations, s’est manifestée en janvier 2024, lorsque Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, profitant de la présence de la chanteuse en Europe pour son « Eras Tour », l’a sollicité pour encourager les jeunes Européens à voter lors des élections de juin[68].
L’attrait politique de la chanteuse a provoqué la fureur de Donald Trump, qui a attisé la haine envers Taylor Swift en lançant une campagne de dénigrement. En utilisant des images créées par intelligence artificielle, représentant des « Swifties » portant des t-shirts arborant les slogans « Swifties for Trump » ou « Je déteste Taylor Swift », en réaction à son appel en faveur du vote pour le candidat démocrate, Trump a transformé l’artiste en cible.
Cependant, l'impact politique du soutien des célébrités a également été remis en question par plusieurs experts. La professeure de l'Université Manresa-FUB, Francesc Rouras, spécialiste en marketing stratégique, soutient que l'effet de l'endorsement de Taylor Swift est d'autant plus puissant en raison des caractéristiques propres à l'artiste. Originaire du Tennessee et artiste de musique country, elle incarne l'image stéréotypée de la « reine de beauté » américaine, en couple avec un joueur de football, et appartient à un imaginaire conservateur, religieux et de droite, traditionnellement associé aux électeurs de Donald Trump. En conséquence, l'influence qu'elle exerce sur l'électorat fidèle au président républicain est bien plus dangereuse que celle de toute autre star du spectacle.[69].
D'un autre côté, il existe également une forme de méfiance à l'égard des célébrités proches de Kamala Harris, souvent associées aux milieux woke, à la gauche culturelle, ainsi qu'aux élites artistiques et intellectuelles d'Hollywood, des musées et des universités. Cela éloigne Harris du soutien populaire et forge l'image d'une candidate représentative de l'establishment dominant.
En fin de compte, parmi les chercheurs impliqués dans l'enquête du PolCom Lab, Luzmarina Garcia, professeure adjointe en sciences politiques, a voulu nuancer le doute en affirmant : « Les soutiens des célébrités peuvent augmenter l'engagement et la visibilité des élections, bien qu'il ne soit pas clair si ces soutiens parviennent à convaincre les électeurs. Cependant, le message de Swift a conduit des centaines de milliers de visiteurs sur le site vote.gov via son lien unique »[70].
En pratique, bien que les célébrités aient un impact réel sur l'incitation au vote, il n'est pas certain qu'elles puissent réellement influencer l'issue finale, comme le montrent les dernières élections américaines et les manifestations de haine de l’opposant républicaine pourraient, paradoxalement le favoriser.
Contre-discours musicaux : RÉsistance artistique et haine politique À l’Ère de la nostalgie
Les accusations de « zoophagie » de la part de Trump vis-à-vis des habitants haïtiens de l’Ohio, a inspiré la créativité du musicien sud-africain David Scott, fondateur du groupe The Kiffness, connu pour créer des morceaux musicaux ironiques à partir des mèmes les plus populaires du web représentant des animaux de compagnie. Après l’épisode, il a composé une chanson hilarante, à partir du mème de Trump accusant les immigrants de manger des chiens et des chats, intitulée « Eating the Cats ft. Donald Trump » (Debate Remix 2024).
Malgré les tendances inquiétantes de la politique populiste, des chansons comme celle de The Kiffness démontrent que l'art et la production culturelle peuvent également servir de caisse de résonance pour exprimer la résistance et la promotion de contre-discours, par le moyen de l'ironie, mais aussi la haine et/ou la nostalgie. C'est le cas des chansons comme « Porcherie (La jeunesse emmerde le Front National) » des Bérurier Noir (1985), et plus récemment « Marine » de Diam's (2006), qui critiquent explicitement le RN français. Dans des textes intenses et personnels, l’ex-artiste française[71] exprime sa haine vers le conservatisme : « Marine, pourquoi tu perpétues les traditions ? [...] », mais c’est l'immigration le sujet central de la chanson :
Marine, on ne sera jamais amies/Parce que ma mère est Française mais qu'je ne suis pas née ici. […] Penser que le blanc ne se mélange pas à autrui […] Parce que je suis une métisse et que je traîne avec Ali. […] Ma haine est immense en ce soir de décembre. […] Ma haine est immense quand je pense à ton père / Il prône la guerre quand nous voulons la paix. […] Marine, plus j'te déteste et mieux je vais. […] Marine, je ne suis pas de ceux qui prônent la haine / Plutôt de ceux qui votent et qui espèrent que ça s'arrête […] Donc j'emmerde (j'emmerde) / J'emmerde qui ? Le Front National (Diam’s, 2006).
L'élection et les politiques de Trump ont été durement attaquées dans des chansons telles que « Make America Great Again » de Pussy Riot (2016), qui dénonce la haine anti-raciale et l'attitude machiste du président américain »
À quoi voulez-vous que votre monde ressemble ? / Que voulez-vous qu'il soit ? /Savez-vous qu'un mur a deux côtés ? / Et que personne n'est libre ? /Ta maman est venue du Mexique / Papa est venu de Palestine / En se faufilant à travers la Syrie /En franchissant toutes les frontières / Laisser entrer d'autres personnes / Écoutez vos femmes / Arrêtez de tuer les enfants noirs /Rendre à l'Amérique sa grandeur d'antan / Pourriez-vous imaginer un politicien / traiter une femme de chien ? Voulez-vous rester dans la cuisine ? / C'est là votre place ? /Comment imaginez-vous le leader parfait /Qui voulez-vous qu'il soit ? / Il a encouragé l'utilisation de la torture et le meurtre de familles (Pussy Riot, 2016, trad. de l’auteur).
« FDT » (Fuck Donald Trump) de YG & Nipsey Hussle (2016), est une chanson de protestation dans laquelle les deux rappeurs afro-américains expriment ouvertement leur désaccord pour les positions politiques et sociales de Trump, en abordant des questions telles que le racisme, la discrimination et les politiques migratoires qui, selon eux, menaçaient les communautés afro-américaines et latinos aux États-Unis. La chanson représente le mécontentement d'une partie de la population américaine et se présente comme un hymne de résistance :
J'aime les Blancs, mais je ne t'aime pas /Tous les noirs du quartier veulent se battre contre toi / Je n'ai pas le choix, je ne peux pas me permettre d'avoir des problèmes /Je n'ai pas le droit d'avoir des enfants […] / Les étudiants noirs, expulsés de votre manifestation, quoi ? / Je suis prêt à partir maintenant, ton cul de raciste en a trop fait /Je suis sur le point de devenir une Panthère Noire /Ne laisse pas Donald Trump gagner, ce nigga cancer /Il est trop riche, il n'a pas les réponses /Il ne peut pas prendre de décisions pour ce pays, il va nous écraser /Non, nous ne pouvons pas être un esclave pour lui /Il m'a fait apprécier Obama encore plus / Hey Donald, et tous ceux qui suivent /Vous nous avez donné votre raison d'être président, mais nous haïssons la vôtre/ Fuck Donald Trump /Ouais, nigga, j'emmerde Donald Trump /(Je n'aime pas ton cul, nigga) (YG & Nipsey Hussle, 2016, trad. de l’auteur).
L'Angleterre a une longue tradition de musiciens exprimant leur haine contre les politiques réactionnaires. La chanson de Morrissey « Margaret on the Guillotine », tirée de l'album Viva Hate (1988), souhaite la mort de Margaret Thatcher, alors Première ministre du parti conservateur. En 2017, le Brexit a été dénoncé par Mick Jagger dans la chanson « England Lost », dans laquelle le chanteur réfléchit avec nostalgie à un scénario politique déjà vu, et joue avec le terme « lost » (perdu), pour indiquer la perte du « Remain », mais aussi un sentiment de perte d'un esprit d'ouverture et de communauté non contaminé par la haine raciale :
Je suis allé chercher l'Angleterre, elle n'était pas là / Je crois que je l'ai perdu à l'arrière de ma chaise / Je crois que je perds mon imagination / Je suis fatigué de parler d'immigration / On ne peut pas entrer et on ne peut pas sortir /Je suppose que c'est ce dont il s'agit. […] C'est une impression de déjà-vu, j'ai déjà tout vu / Saison différente, même score /Tout le monde veut votre tête sur un pic. (Mick Jagger, 2017, trad. de l’auteur).
En Italie, Immanuel Casto, dans un featuring avec Lo Stato Sociale, avec la chanson « Pubbliche dimostrazioni d'odio » de 2016, chante avec dégoût l'utilisation de la rhétorique populiste :
Ils mentent / Ils détruisent / Ils haïssent tout ce qu'ils ne connaissent pas [...] / Ils ne se contentent pas d'être sourds / Merdes arrogantes sans repères / Fiers de la douleur [...] / Il y en a vraiment qui y croient / Et qui descendent dans la rue pour hurler / Et je le sens encore sur moi / L'obscurité / De toutes ces manifestations publiques /De haine (Immanuel Casto feat. Lo Stato Sociale, 2016, trad. de l’auteur).
Le rapper italien d’origines tunisiennes Ghali avec « Cara Italia » (2017), remet en question les visions idéalisées du passé de la politique italienne, l'autoritarisme et la haine raciale croissants dans le pays :
Je dois faire attention, bon sang /Si je la mets enceinte, ma mère.../Parce que je suis encore un enfant / Un peu italien et un peu tunisien /Elle vient de Porto Rico /Si cela se produit, c'est un bordel pour Trump / De quel genre de politique s'agit-il ? /Quelle est la différence entre la gauche et la droite ? / Ils changent les ministres mais pas la soupe /Les toilettes sont en bas à gauche, les toilettes sont en bas à droite […] / Certaines personnes sont fermées d'esprit et sont restées en arrière comme au Moyen-Âge / Le journal en abuse, parle de l'étranger comme d'un alien / Sans passeport, à la recherche de l’argent […] / Quand le devoir m'appelle Oh, oh, je réponds et je dis : « Je suis là » / Oh, eh, oh, quand ils disent : « Rentre chez toi ! » / Oh, eh, oh, je dis : « Je suis déjà là » / Oh, eh, oh, je t'aime, chère Italie /Oh, eh, oh, tu es ma douce moitié (Ghali, 2017, trad. de l’auteur).
Cet article a proposé une analyse sociologique des discours de haine générés par la politique de la nostalgie, et de la manière dont cette haine alimente les contre-discours de la production artistique. La haine politique révèle comment la nostalgie est instrumentalisée pour légitimer un passé mythifié et orienter les sentiments de perte et d'insécurité vers des formes d'exclusion et de nationalisme réactionnaire. En réponse, la production musicale se dresse comme un contre-discours vibrant, convertissant l’émotion collective en expressions de résistance. À travers des morceaux qui traduisent la haine et la nostalgie en critique sociale, les artistes explorent des voies pour défier les valeurs conservatrices en diffusant des messages d’ouverture et de solidarité. En opposant aux récits nostalgiques des perspectives contemporaines, ces œuvres offrent aux auditeurs des imaginaires alternatifs qui revalorisent la diversité et l'inclusivité, résonnant ainsi comme un écho aux aspirations de justice sociale.
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DISCOGRAPHIE
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Diam's, « Marine », dans Dans ma bulle, EMI Music France, 2006.
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Morrissey, « Margaret on the Guillotine », dans Viva Hate, HMV, 1988.
Pussy Riot, « Make America Great Again », dans Pussy Riot, Warner Music, 2016.
YG et Nipsey Hussle, « FDT (Fuck Donald Trump) », dans Still Brazy, Def Jam Recordings, 2016.
Pour le discours de Marine Le Pen, voir @MLP_officiel, 31/12/2020, « Je vous souhaite une bonne année 2021 », sur X (anciennement Twitter), [source].
[1] Cf. BAUMAN Z., Liquid Modernity, Cambridge, Oxford, Boston, New York, Polity Press, 2000.
[2] Cf. ID., Retrotopia, Bari, Laterza, 2017.
[3] BOYM S., The Future of Nostalgia, New York, Basic Books, 2001.
[4] Ibid., p. xiv.
[5] BAUMAN Z., Retrotopia, op. cit., p. 6.
[6] Cf. BAUMAN Z. et BORDONI C., Stato di crisi, Einaudi, Torino, 2015.
[7] Cf. ARENDT H., La crise de la culture : huit exercices de pensée politique, Paris, Gallimard, 2016 (1972).
[8] BOYM S., The Future of Nostalgia, op. cit., p. xvi (trad. de l’auteur).
[9] Idem., p. xvi.)
[10] Idem., p.41.
[11] Idem., p. xiii.
[12] BAUMAN Z., Retrotopia, op. cit., p. 7 (trad. de l’auteur).
[13] BOYM S., The Future of Nostalgia, op. cit., p. xiv.
[14] BAUMAN Z., Retrotopia, op. cit., pp. 6-7 ; p. 9.
[15] AHMED S., La política cultural de las emociones, UNAM, Programa Universitario de Estudios de Género, 2015, p. 87 (trad. de l'auteur).
[16] Idem., p. 87.
[17] Ibidem.
[18] Idem., p. 95.
[19] Idem., p. 79
[20] Idem., p.81.
[21] Idem., pp. 90-91.
[22] Cf. ANDERSON B., Comunità immaginate. Origini e fortuna dei nazionalismi, Bari, Laterza, 2018 (1983).
[23] Idem., p. 23 (trad. de l’auteur).
[24] Idem., p. 24.
[25] Idem., p. 19.
[26] Idem., p. 23.
[27] GELLNER E., Thought and Change, Londres, Weidenfeld and Nicholson, 1964, p. 169 (trad. de l’auteur).
[28] ANDERSON B., Comunità immaginate, op. cit., p. 23.
[29] Idem., p. 24-25.
[30] Idem., p. 20.
[31] Cf. BROWNING C. S., « Brexit populism and fantasies of fulfilment », Cambridge Review of International Affairs, no 32 (3), 2019, p. 222–244 ; KARAKAYA Y., « The conquest of hearts: The central role of Ottoman nostalgia within contemporary Turkish populism », American Journal of Cultural Sociology, no 8 (2), 2020, p. 125–157 ; KENNY M., « Back to the populist future? Understanding nostalgia in contemporary ideological discourse », Journal of Political Ideologies, no 22 (3), 2017, p. 256–273 ; LAMMERS J. et BALDWIN M., « Make America gracious again: Collective nostalgia can increase and decrease support for right-wing populist rhetoric », European Journal of Social Psychology, no 50 (5), 2020, p. 943–954 ; MENKE M. et WULF T., «The dark side of inspirational pasts: An investigation of nostalgia in right-wing populist communication ». Media and Communication, no 9 (2), 2021, p. 237-249 ; TANNOCK S., « Nostalgia critique ». Cultural Studies, no 9 (3), 1995, p. 453–464.
[32] KARAKAYA Y., « The conquest of hearts », op. cit., p. 152 (trad. de l’auteur).
[33] MUDDE C., « The Populist Zeitgeist ». Government and Opposition, no 39 (4), 2004, p. 542 (trad. de l’auteur).
[34] Idem., p. 544).
[35] Cf. TAGGART P., Populism, Buckingham, Open University Press, 2020.
[36] MUDDE C., « The Populist Zeitgeist », op. cit., p.546.
[37] TANNOCK S., « Nostalgia critique », op. cit., p 456 (trad. de l’auteur).
[38] Cf. DAVIS F., Yearning for yesterday: A sociology of nostalgia, 1979, [trad. par D. Pomarico], dans Cerulo M. et Pomarico D. (dir.), Sociologia della nostalgia, Roma, Armando Editore, 2023.
[39] PICKERING M. et KEIGHTLEY E., The Mnemonic Imagination. Remembering as creative practice, New York, Palgrave MacMillan, 2012, p. 113 (trad. de l’auteur).
[40] Idem., p. 117.
[41] TANNOCK S., « Nostalgia critique », op. cit., p. p. 454 (trad. de l’auteur).
[42] Idem., p. 456-457).
[43] Idem., p. 456.
[44] Idem., p. 458.
[45] PICKERING M. et KEIGHTLEY E., The Mnemonic Imagination, op. cit., p. 456-457.
[46] Cf. LAMMERS J. et BALDWIN M., « Make America gracious again: Collective nostalgia can increase and decrease support for right-wing populist rhetoric », European Journal of Social Psychology, no 50 (5), 2020, p. 943–954
[47] DAVIS F., Yearning for yesterday, op. cit., p. 70.
[48] Idem., p. 86.
[49] LAMMERS J. et BALDWIN M., « Make America gracious again, op. cit., p. 944.
[50] STEELE B. J. et HOMOLAR A., « Ontological insecurities and the politics of contemporary populism ». Cambridge Review of International Affairs, no 32 (3), 2019, p. 219.
[51] Cf. NOROCEL O.C., HELLSTRÖM A. et JØRGENSEN M. B., Nostalgia and Hope : Intersections between Politics of Culture, Welfare, and Migration in Europe, Cham, Springer, 2020.
[52] Cf. TAGUIEFF P-A., The New Cultural Racism in France. Telos : Critical Theory of the Contemporary, no 83, 1990, p. 109–122.
[53] Cf. FRANKLIN S., « Nostalgic nationalism. How a discourse of sacrificial reproduction helped fuel Brexit Britain », Cultural Anthropology, no 34 (1), 2019, p. 41-52 ; CINPOES R. et NOROCEL O. C., « Nostalgic Nationalism, Welfare Chauvinism, and Migration Anxieties in Central and Eastern Europe », dans O. C. Norocel et al. (eds.), Nostalgia and Hope. Intersections between Politics of Culture, Welfare, and Migration in Europe. Cham, Springer, 2020, p. 51-65 ; FANTIN E., NIEMEYER K. et DUFRESNE-DESLIÈRE C., « Nostalgies et remédiations du passé en politique, ou le danger des abus de la mémoire », Questions de communication, no 44, 2023.
[54] FANTIN E., NIEMEYER K. et DUFRESNE-DESLIÈRE C., « Nostalgies et remédiations du passé en politique », op. cit., p. 267.
[55] Cf. KENNY M., « Back to the populist future? Understanding nostalgia in contemporary ideological discourse », Journal of Political Ideologies, no 22 (3), 2017, p. 256–273.
[56] BROWNING C. S., « Brexit populism and fantasies of fulfilment », op. cit., p. 235.
[57] Idem., p. 223.
[58] Cf. FELINTO E. et GRUSIN R., « Gore Mediation and the Bromance of Jair Bolsonaro and Donald Trump », Intermédialités / Intermediality, no 37-38, 2021, p. 1–31
[59] Idem., 2021, p. 26.
[60] APPLEBAUM A., « Trump parle comme Hitler, Staline et Mussolini », Courrier International, 31/10/2024.
[61] ZEROFSKY E, « Donald Trump est-il fasciste ? Comment l’historien américain Robert Paxton a changé d’avis », Courrier International, 3/11/2024.
[62] HEYMAN M., « Je hais Taylor Swift! » : Donald Trump s'en prend à la chanteuse après son soutien à Kamala Harris « , BFMTV, 15 septembre 2024, [source].
[63] Franceinfo Culture avec AFP, « Swifties pour Kamala : des fans de Taylor Swift prennent position pour la candidate démocrate Kamala Harris », France Télévisions - Rédaction Culture, 29 août 2024, [source].
[64] Cf. SPILLANE A., « Celebrities Strengthening Our Culture of Democracy. A study on the impact of celebrity engagement on civic participation », Ash Center for Democratic Governance and Innovation, Harvard Kennedy School, 14 août 2024, [source].
[65] Ibidem.
[66] GLANZER J., « FAU/Mainstreet Poll: Harris Edges Trump », PolCom Lab, 19 septembre 2024, https://www.fau.edu/newsdesk/articles/sept19electionpoll.php.
[67] CHANG E., « Celebrities do have an impact on elections, Harvard study finds », ABCNews, 14 août 2024, https://abcnews.go.com/Politics/celebrities-impact-elections-harvard-study-finds/story?id=112806120.
[68] PRATS M., « Donald Trump contra Taylor Swift : por qué el republicano ha tomado como enemigo a la cantante », El HuffPost, 5 novembre de 2024, [source].
[69] Ibidem.
[70] Glanzer J., « FAU/Mainstreet Poll: Harris Edges Trump », op. cit.
[71] En 2012, Mélanie Diam's a choisi de mettre fin à sa carrière de chanteuse, en partie en réaction aux critiques virulentes visant ses choix artistiques considérées contradictoires. Cette décision a été motivée par un profond désir de se recentrer sur elle-même, à la suite d'une quête spirituelle qui l'a menée à embrasser l'islam. Diam's a expliqué que sa célébrité et les exigences de l'industrie musicale ne répondaient plus à ses aspirations personnelles, préférant désormais mener une vie plus alignée avec ses valeurs.